Les pics de pollution font désormais régulièrement la Une des médias. Mais à l’intérieur, et particulièrement au travail, l’air est-il plus sain ? Pas vraiment… Or, les trois-quarts des actifs français travaillent dans le secteur tertiaire et la majorité d’entre eux passe entre sept et huit heures par jour enfermés dans un bureau. Explications avec Mathieu Lamotte, responsable des opérations chez Kandu, une start-up qui aide les entreprises à créer des espaces de travail favorisant la performance et le bien-être des collaborateurs.

Pourquoi s’intéresse-t-on encore si peu à la qualité de l’air dans les bureaux ?
Je pense que les gens n’ont pas conscience de l’impact que cela peut avoir au quotidien. Les Français passent en moyenne 80% à 90% de leur temps en intérieur, à leur domicile ou au travail, bien loin d’être conscients d’y respirer des substances nocives. Le problème ? Contrairement aux nuisances sonores, la mauvaise qualité de l’air, elle, est imperceptible. On ne s’en rend pas forcément compte.

Quelles sont les principales sources de pollution à l’intérieur ?
La première c’est l’homme lui-même : en émettant en permanence du C02 il pollue lui-même l’air qu’il respire. Les autres sources sont nombreuses : le mobilier, les peintures, les solvants… Il y a les moquettes aussi, ou encore le matériel bureautique qui produit des composés organiques volatils (COV). Les photocopieurs et les imprimantes, surtout, qui produisent de l’ozone. Les toners des imprimantes sont pour leur part accusés d’émettre des particules fines. Dans l’air des bureaux où le ménage est fait tous les jours ou presque on trouve également des COV type alcools, terpènes, formaldéhydes et autres éthers de glycol (1). Certains réaménagements peuvent aussi avoir un impact négatif : l’ajout d’une cloison, par exemple, peut isoler du bruit, mais peut aussi couper une partie de l’espace de sa ventilation. Il faut donc vraiment penser le bureau comme un tout et s’intéresser à toutes les dimensions en même temps : l’acoustique, la lumière, la qualité de l’air, la température… Tout est lié !

Quelles sont les conséquences d’une mauvaise qualité de l’air intérieur ?
Elles sont un peu similaires à celles d’une mauvaise alimentation car l’air que l’on respire est notre principal carburant. L’ozone est un polluant qui provoque toux, gêne respiratoire, irritation des bronches et des sinus et même des crises d’asthme. Des problèmes d’humidité peuvent provoquer : la sécheresse oculaire ou l’irritation des yeux. Les particules dans l’air peuvent aussi entraîner des maladies respiratoires. En plus des conséquences pour la santé, une mauvaise ventilation peut aussi réduire la productivité. Une étude réalisée fin 2018 sur des pilotes d’avion lors d’un simulateur de vol montre ainsi que les variations de CO2 jouent sur leur niveau de concentration. Les capacités varient même de 69 % ! Une autre étude a permis de démontrer que les congés maladie de courte durée sont inférieurs de 35%  dans les bureaux bien ventilés. Les conséquences sont donc multiples et très concrètes.

Existe-t-il des normes ?
Oui, tout à fait. Un article du Code de Travail fixe les débits minimaux d’air neuf par occupants en fonction du type de local et de l’activité des occupants. Il est de 25m3/heure/occupant pour les bureaux sans travaux physique, et de 30m3/heure/occupants pour les salles de réunions. A l’échelle internationale, il existe la certification Well qui se focalise essentiellement sur la santé et le bien-être des occupants, permettant ainsi de créer des espaces optimisés en termes de qualité de l’air, nutrition, activités physiques, cycle du sommeil, bien-être et productivité.

Quels sont les bons gestes à adopter au quotidien ?
La première bonne habitude, c’est d’aérer ! Un bon système de ventilation, avec des filtres entretenus, et l’ouverture plusieurs fois par jour des fenêtres (cinq à dix minutes suffisent), permettent de renouveler l’air ambiant. Il est aussi important de réaliser un diagnostic : un check-up de ce qui va, et de ce qui ne va pas, surtout dans les grands espaces avec beaucoup de personnes. Il est aussi recommandé de privilégier des produits ménagers n’impactant pas la qualité de l’air intérieur. Enfin, depuis 2012, un étiquetage des produits d’ameublement permet de connaître leurs émissions en polluants volatils, sur une échelle allant de A+ (très faibles émissions) à C (fortes émissions). Dernier exemple : dans les bureaux, contrairement à l’habitat, il est souvent recommandé d’installer des humidificateurs professionnels afin d’augmenter l’humidité de l’air. Il est vivement recommandé d’éviterles radiateurs à résistance car ils assèchent l’air et de privilégier ceux à bain d’huile.

Les plantes vertes, utiles ou gadgets ?
Pour le CO2, ce ne sont pas elles qui feront une vraie différence. Elles sont utiles en revanche pour l’humidité. En les arrosant régulièrement, vous allez en effet aussi humidifier l’air. Pour les plantes dépolluantes, il y a peu d’études sur le sujet, certaines en effet ont la capacité d’attirer certaines particules à leurs surface, cependant elles finissent souvent par se répandre à nouveau dans l’air à la moindre bousculade. c’est surtout efficace semble-t-il à la surface de la plante.

(1) L’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire, a contrôlé dix bureaux dans le Nord-Pas-de-Calais il y a quelques années. La concentration de formaldéhyde y était le plus souvent supérieure à la normale. Idem pour le benzène.

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

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