Directeur général d’Ekimetrics, spécialiste de l’intelligence artificielle au service des entreprises, Laurent Felix trouve sa place au quotidien dans l’accompagnement des équipes. Son engagement en faveur de l’ « IA for good », et au sein de la Convention des entreprises pour le climat sont une source de motivation, et de sens. Voici son témoignage, nouvel épisode de notre série d’articles consacrés au sens au travail.

« Je n’ai pas basé ma carrière sur cette notion de sens. J’ai eu un parcours très classique pour un élève bon à l’école et avec une appétence pour la science : prépa scientifique puis école d’ingénieurs et cabinet de conseil. A l’époque, c’était plutôt un non-choix, j’ai suivi les recommandations. Mes profs et mes parents me disaient de faire ça, je l’ai fait, sans trop me poser de questions. Aujourd’hui, j’ai un fils de 17 ans, mon aîné, et je vois que cette logique de voie royale a disparue. Les jeunes se posent davantage la question de leurs envies, de leurs choix. Moi, c’était encore la logique élitiste très années 80′.

Après mes études, à Télécom Sud Paris, je suis entré chez Wavestone (cabinet de conseil en management et transformation des entreprise, ndlr). J’y ai gravi les échelons et découvert mes « zones de sens ». La première était la satisfaction de mes clients et la seconde ma fibre de management collectif. A la fin de mon parcours chez Wavestone, je manageais quasiment 500 personnes. Faire progresser ces équipes m’a plu. C’est l’expérience qui m’a fait me connaître davantage. En écoutant ce que j’avais envie de faire, j’ai réalisé ce que comprend cette notion de sens au travail.

Vers une raison d’être

Je suis alors parti pour rejoindre l’aventure entrepreneuriale Ekimetrics, dont je connaissais un des fondateurs. J’ai quitté un groupe de 3 000 salariés pour rejoindre une entreprise de 200 personnes (Ekimetrics emploie désormais 400 collaborateurs, ndlr). Avec ce changement, je cherchais une mission à impact direct auprès de clients. Je voulais partager mon expérience à une équipe plus petite, tant dans le développement des compétences que dans l’accompagnement collectif. Et aussi être plus libre, car en étant plus haut dans une entreprise, on a plus de marge de manœuvre.

Je ne me suis pas dit à l’époque : ” Je vais chercher une entreprise qui a un sens d’interêt général !“. Pour moi c’est de ça dont il s’agit, à la fin, quand on parle de sens en entreprise. Mais à ce moment-là de ma carrière et de ma vie, ce n’était pas mon moteur.

Dans la liberté que j’ai acquise, une des actions que j’ai mises en œuvre a été d’embarquer les équipes dans la construction d’une raison d’être*. Cela a été un cheminement suite à la Convention des entreprises pour le climat. Nous étions parmi les 30 premières entreprises participantes. Cet engagement a matérialisé le sens que pouvait prendre Ekimetrics, avec les outils de l’intelligence artificielle pour servir l’intérêt général. L’IA for good. On a pu utiliser l’intelligence artificielle à des fins de performance pure. Depuis deux ans, notre redirection stratégique est d’utiliser ce levier-là pour que la performance des entreprises soit durable et compatible avec le respect du vivant.

J’ai embarqué les équipes sur ce chemin : nous avons beaucoup communiqué, organisé des fresques du climat, nous avons exploité beaucoup de théorie pour expliquer à quoi l’entreprise devait contribuer. Mais il n’y a rien de plus engageant que le concret. Nous avons, depuis, été confronté à de vifs débats. Par exemple, nous avons remporté récemment un appel d’offres avec une grande compagnie aérienne. Cela peut paraître contraire à notre engagement pour le climat, même si pour moi ça ne l’est pas : les gens ne vont pas arrêter de voler donc autant accompagner les compagnies, à l’intérieur de leurs systèmes, à mieux voler. Certains des collaborateurs ne le voient pas ainsi. J’ai choisi de mettre une des personnes les plus vindicatives sur ce projet, en lui disant que si notre travail ne correspond pas à nos engagements, nous arrêterons. Ces débats m’ont permis de re-questionner chacun de nos projets afin de voir comment les réorienter.

Une logique collective

Pour moi, le vrai challenge est de ne pas mettre d’oeillères sur les difficultés. Je crois qu’on est confronté à deux possibilités : soit on quitte tout pour aller élever des chèvres, soit on essaie, malgré les difficultés, d’adapter son business.

Etre un des fers de lance de l’entreprise sur ces sujets et ces questionnements, pour faire grandir collectivement les équipes, donne énormément de sens à mon travail. Ces collaborateurs, même s’ils quittent Ekimetrics – c’est la vie des entreprises ! – sèmeront des graines dans d’autres organisations. Je crois à cet effet boule de neige. J’aimerais que nous soyons un acteur encore plus remarqué de notre filière, un acteur transformant. Je suis convaincu de nos actions, mais je suis néanmoins frustré de la lenteur du mouvement. Je crois que rien n’est possible sans un mouvement de filière et une logique collective d’entreprises. Mais il est difficile d’être concurrent sur le business et partenaire sur les sujet de développement. Il faut des décisions politiques pour cela, des décisions des autorités de branches. J’ai une frustration quant à cette lenteur, même si je suis convaincu que l’évolution est possible et, en tant que dirigeant, je l’impulse autant que je le peux, c’est ce qui donne du sens à ce rôle.

Quand un collaborateur me glisse qu’il est fier de travailler chez Ekimetrics, ça me rebooste pour un an ! »

* Ekimetrics s’est donné pour raison d’être de « faire de la data science et de l’intelligence artificielle l’accélérateur de la transformation durable des organisations ».

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Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

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