Comment coopérer ? Voilà une question qui revient énormément en cette période de retour progressif au bureau dans beaucoup d’entreprises et d’organisations. Pour y répondre, Charlotte Ringrave, consultante et formatrice dans la conduite de transformations, manager chez AlterNego, et Julien Ohana, expert en gestion de conflit et négociation, associé fondateur d’AlterNego, ont eu la brillante idée d’associer les qualités indispensables à la coopération aux héros de notre enfance dans leur livre (1). De vraies sources d’inspiration pour développer nos soft skills et notre sens de la coopération.

On a tendance à mélanger la coopération avec la collaboration, quelles distinctions faites-vous entre ces termes ?
Nous distinguons trois niveaux. Tout d’abord, la connexion, c’est par exemple le fait d’être ensemble en réunion. C’est nécessaire pour coopérer, mais pas suffisant. Deuxième niveau : la collaboration qui renvoie à l’organisation du travail, aux fiches de poste et répond à des process. Là encore, c’est une condition nécessaire pour coopérer, mais c’est insuffisant. Le troisième niveau, la coopération, correspond davantage à un état d’esprit. Des personnes décident de développer ensemble un projet, de se lancer sans forcément avoir un objectif précis. Ce n’est pas une fin en soi, mais un processus mouvant, un outil. La coopération permet de développer les compétences et est propice à la qualité de vie au travail. Comme le rappelle Hervé de Saint-Exupéry, ancien pilote de chasse, en préface de notre livre : alors que la collaboration est une interaction de surface, la coopération est un engagement en profondeur. La première donne un cap, la seconde donne du sens et de la perspective dans la durée.

Pourquoi ce n’est pas si facile de coopérer ? Quels sont les freins à la coopération au travail ?
Beaucoup d’entreprises ont tendance à développer la compétition en interne, plutôt que la coopération. Coopérer est plus exigeant. Cela suppose de l’interdépendance les uns envers les autres et une prise de risque pour faire preuve de solidarité et être co-responsable, ce qui n’est pas toujours agréable. Beaucoup cherchent à convaincre l’autre plutôt qu’à vraiment coopérer. Les salariés ont besoin d’être formés à la coopération, ce n’est pas inné, cela s’apprend. Attention, ce n’est pas le monde des Bisounours ! La coopération n’exclut pas le conflit.

Quelles qualités faut-il développer pour savoir coopérer ?
Nous en détaillons sept qui sont toutes liées, sept super pouvoirs que nous avons associés à des super héros/héroïnes : l’humilité à travers l’histoire et la personnalité de Superman, la patience grâce à l’étude de Doctor Strange, la résilience à travers le personnage de Batman, la tolérance qui manque parfois à Black Panther, l’authenticité étudiée à travers la quête de Spiderman, le courage de Wonder Woman et la sagesse à travers le personnage utltra complexe de Hulk.

Si vous ne deviez en retenir que deux principales pour coopérer en cette période de crise…
La patience qui permet de prendre du recul. Pour s’adapter et prendre de bonnes décisions dans un monde où tout est question de temps et de contretemps, les individus doivent apprendre à le gérer. La gestion du temps devient un enjeu stratégique, la patience une qualité essentielle. Et l’humilité dont on a tant besoin aujourd’hui face aux incertitudes : prendre conscience de ses limites, oser montrer ses faiblesses même quand on est manager (l’humilité donne du crédit à Superman !), accepter que l’échec fait partie de l’apprentissage.

Quelles sont les conditions de réussite d’une bonne coopération ?
D’abord définir clairement l’objet de la coopération : à quoi va-t-elle servir ? Le pourquoi de la coopération est très important. Ce n’est pas quelque chose qui se décrète, comme certains groupes le pensent au moment de grandes transformations ou de réorganisations. Il faut également que la direction y croit avec conviction, en incarnant la coopération et en apportant des moyens. Sinon cela crée de la frustration. Le management relie les individus par une collaboration efficace, le leadership forge et développe la coopération. C’est le respect de valeurs définies et partagées qui soude une équipe face à des défis. La coopération, c’est beaucoup de bon sens, un retour à l’essentiel et aux fondamentaux.

Coopérer à distance, est-ce plus compliqué ?
Nous avons développé une formation sur la coopération, un serious game qui s’appuie sur les super héros. A l’origine, elle était prévue pour être donné en présentiel. Nous avons tout repensé pour la faire à distance. Et cela a très bien marché : nous avons même remarqué que les gens s’écoutent davantage, ne se coupent pas la parole, s’organisent bien pour les mises en situation. En un an, la majorité des salariés a complètement intégré les outils, comme Zoom et Teams, pour coopérer à distance. En revanche, coopérer lors d’une réunion hybride, avec certains en présentiel, et d’autres à distance, c’est très compliqué ! Et aujourd’hui, les gens ont envie de se retrouver, de faire corps, d’échanger des sourires… La crise a (r)éveillé les consciences.

(1) “7 super-pouvoirs pour développer la coopération”, Julien Ohana et Charlotte Ringrave, Fil rouge éditions.

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Photo de Kristina Paukshtite provenant de Pexels

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

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