Comment appréhender un bilan de compétences ? En fixant la priorité sur la personne concernée : l’aider à rompre avec ses croyances limitantes et certains schémas de pensées,  comprendre ce qui l’anime et s’assurer que son projet est en cohérence avec sa vie présente. Des étapes nécessaires selon la coach Marie-Eve Dausset et auteure du livre « Le Bilan de compétences autrement » (Gereso).

Dans votre ouvrage « Le Bilan de compétences autrement » (éditions Gereso), vous proposez une méthodologie en trois temps : rupture, évidence, cohérence. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

Marie-Eve Dausset : Mon objectif, c’est de mettre en avant le sujet, plutôt que l’objet qu’il recherche. Il ne s’agit pas de choisir dans l’ensemble des possibles quelque chose qui est censé lui convenir.

Ainsi, je pars du sujet et de ses propres problématiques. La première étape, la « rupture », c’est l’étude de l’histoire de vie et le repérage de tous les schémas et croyances qui ont été initiés depuis l’enfance. Et que la vie professionnelle reflète. C’est pourquoi il faut les mettre en conscience de façon à pouvoir opérer une première rupture avec ces schémas, avec ces croyances, avec ces injonctions qui ont été plus ou moins bien intégrées. C’est faire un pas de côté par rapport à tout ce qu’on a vécu.

La deuxième étape, donc, c’est l’évidence. A partir du moment où il y a eu ces ruptures, l’individu peut commencer à s’interroger : « ça, je voudrais m’en débarrasser, ça par contre c’est un élément qui me challenge, me booste, m’anime, etc. » Le désir au travail est très important : beaucoup n’accèdent jamais à leurs désirs et ne font que subir. Et quand je parle de ‘désir’, c’est comprendre ce qui nous anime. Cela va au-delà des envies et des besoins. Cela peut venir d’une blessure ou de quelque chose de très puissant en soi. Comme quelqu’un qui a vu un membre de son entourage se sentir mal et a ensuite choisi de consacrer sa vie à aider les autres. C’est trouver ce qui fait force. Et c’est cela qui détermine une bonne mise en projet.

Et la dernière étape, c’est la cohérence ?

Oui, car à partir du moment où il y a un projet et une évidence qui sont venus à nous, qu’en faisons-nous ? Il faut que ce soit quand même compatible avec des données très concrètes qui sont le marché économique, les conditions de vie, les conditions familiales, etc. À partir du moment où un projet ou deux se sont manifestés, il faut en quelque sorte les prendre par les cheveux. Puis les couper en quatre, en huit, en dix-huit, en vingt-six, pour essayer de les mettre en forme et de les rendre compatibles avec le marché économique tel qu’il est aujourd’hui et avec la vie de la personne.

Quel est le risque, sinon ? De ne pas s’approprier le projet ? De se tromper ?

Le premier risque, donc, c’est que le projet ne soit pas le sien mais soit un objet dont on se saisit parmi d’autres. Deuxièmement, c’est que la personne ait mal calculé ou mal évalué la dose de contraintes qu’il lui faudra pour aboutir à son projet. Parfois, des projets sont excellents, mais non compatibles avec la situation actuelle de la personne. Alors ils peuvent mettre trois ou cinq ans pour être mis en place. La prestation de bilan de compétence est dans une rythmique imposée par la loi et elle ne correspond pas au rythme de maturation du candidat : cette différence crée parfois des difficultés pour la mise en place d’un projet.

Un autre risque important, c’est que, sans cette démarche de rupture – évidence – cohérence, on va persévérer dans un système qui est celui dont on souhaiterait se débarrasser. Sans mise en conscience du système, on reste toujours dans la même configuration. Par exemple, si on dit à une personne qui lance un bilan de compétences « vous êtes un organisateur, avec des qualités de précision », c’est lui renvoyer une certaine image. Cette personne va y croire. Et donc, le consultant comme la personne chercheront des solutions, des projets qui seront en accord avec cette image-là. Si bien que la personne n’a aucune chance de s’évader de cette image qu’on lui colle sur la figure. Elle ne fait pas le travail de mise en conscience et d’ouverture qui est nécessaire pour véritablement changer de la zone dans laquelle elle n’est pas forcément bien.

Est-ce qu’il y a aussi une méconnaissance du bilan de compétence ?

Très clairement. C’est-à-dire que c’est une prestation qui a été extrêmement galvaudée et qui s’est détériorée au fil du temps. Elle est devenue une prestation commerciale, une sorte de machine à sous pour la plupart des centres de formation qui acceptent le CPF. Et quand on est de l’ordre du business, où est le sujet là-dedans ?

Qu’est-ce qu’un projet ? La définition sera-t-elle différente selon chacun ?

Un projet, c’est un cheminement, pas une solution. C’est se mettre en mouvement. Il faut accepter, en tant que consultant comme en tant que candidat, de ne pas savoir où on va aller. Il faut accepter un peu de se laisser surprendre par le résultat et par ce qu’on découvrira sur soi.

En est-il de même avec le terme « compétence » ?

Tout à fait. Ce qui me gêne, c’est que la compétence devient comme un radeau auquel on s’accroche, comme si c’était le seul critère d’appréciation des êtres. Un être vaut beaucoup plus que sa compétence, d’autant plus qu’on ne sait pas ce que c’est. Est-ce quelque chose qu’il possède déjà ? Est-ce quelque chose qu’il posséderait s’il ne se n’était pas empêché ? Est-ce un potentiel ? Il y a tellement d’ambiguïté sur ce mot que s’y arrêter, par exemple lors d’un recrutement ou pour juger une personne, c’est vraiment restreindre cette dernière à son minimum.

L’objet de cette démarche de bilan de compétence, c’est vraiment de s’ouvrir et d’accepter tout ce qui peut y arriver. C’est s’ouvrir à soi-même, s’aimer mieux. Cela n’est pas toujours facile, car on est tellement des êtres sociaux qu’il y a toujours ce tiraillement entre les pulsions de l’individu et les nécessités de la société. Pour trouver le bon curseur entre les deux, c’est à chacun d’apporter sa propre histoire pour finalement se redéfinir en fonction de ses obligations, de ses contraintes, mais aussi de ses désirs.

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Diplômée en lettres modernes, Céline Tridon a suivi une formation en journalisme à l’IPJ. Elle y a confirmé son envie de travailler pour la presse écrite et web, souhait exaucé à travers la collaboration avec différents supports sur les thématiques « entreprise », « monde du travail », « management » et « RSE ». En 2023, elle reprend la rédaction en chef de My Happy Job.

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