– première publication : 12 janvier 2023 –

L’hypersensibilité et le monde du travail font-ils bon ménage ? Selon Aurélia Monaco, auteure du livre « J’assume mon hypersensibilité » (éditions Gereso), tout repose sur une juste compréhension de ses besoins personnels. Il s’agit de savoir les identifier pour un meilleur bien-être. Comme il faut savoir dire ‘non’, pour réduire les risques d’épuisement.

Qu’est-ce qu’une personne hypersensible ?

Aurélia Monaco : C’est une façon d’être au monde avec moins de filtres. Les personnes hypersensibles reçoivent plus d’informations, notamment au niveau sensoriel (c’est ce qu’on appelle l’hyperesthésie). Ce qui signifie qu’elles seront plus réactives aux stimuli sensoriels. On parle souvent de l’hypersensibilité d’un point de vue émotionnel. C’est le cas, les personnes hypersensibles ressentent les choses de façon plus intense. Elles sont empathiques et ressentent les émotions et les états d’âme des autres personnes. Mais ce n’est pas que ça : la dimension sensorielle est elle aussi très importante.

Comment cela se traduit-il dans le monde du travail ?

Cela dépend beaucoup du contexte. Parfois il peut s’avérer difficile pour les personnes hypersensibles, c’est-à-dire que ce sont des personnes qui seront souvent plus vite fatiguées que les autres, à cause de cette hyperesthésie. Il y a une ambivalence : elles reçoivent davantage d’informations, d’où cette fatigue exacerbée, et en même temps, elles veulent tellement bien faire qu’elles ont tendance à se sur-adapter – d’autant plus quand elles ne savent qu’elles sont hypersensibles. Elles ont peur du conflit, donc elles ne fixent que très peu de limites. Elles vont accepter énormément de choses, de taches. Elles ont du mal à déléguer. Elles sont donc plus sujettes au burn out…

La façon de réfléchir démontre aussi un traitement en profondeur des informations. Ce sont des personnes qui ont le sens du détail. Elles ont besoin d’harmonie, mais aussi de sens, d’autonomie et de cadre. Il leur faut de l’authenticité au travail et que leurs managers soient dans un rapport d’égal à égal. Elles sont dans un esprit de collaboration, à condition que cela corresponde à leurs valeurs, notamment de justice, de bienveillance et de partage.

Enfin, ce sont des personnes visionnaires et intuitives, qui peuvent être très créatives.

Le contexte de travail est-il aussi important ?

En effet. Les personnes hypersensibles sont généralement peu à l’aise dans des environnements de travail type open space. Il y a beaucoup de bruit, de passage : elles ont particulièrement du mal à se concentrer. Ces personnes ont besoin d’être bien, sensoriellement. Cela signifie avoir la bonne lumière, qui soit naturelle par exemple. Le contexte de travail est très important.

Le télétravail aide, ne serait-ce que pour avoir moins de stimuli, notamment visuels et auditifs. Il est un ‘plus’ aussi pour les hypersensibles introvertis qui se ressourceront dans la solitude et le silence.

Certains sont hypersensibles et l’ignorent. Comment se rend-t-on compte que l’on est hypersensible ?

C’est souvent un cheminement grâce à un livre ou à une conférence. Beaucoup de la génération des 40/50 ans le découvrent grâce à leurs enfants. C’est-à-dire que c’est en faisant la recherche pour leurs propres enfants qu’ils se rendent compte que cela les concerne aussi, un partie de l’hypersensibilité relevant de la  génétique. D’autres le découvrent après un burn out, dans le cadre d’une thérapie. Dans tous les cas, il y a une libération grâce au fait de mettre des mots sur leur fonctionnement et de comprendre ce fonctionnement. Cela leur permet de sortir de ce décalage qu’ils ont souvent depuis l’enfance.

Comment s’approprier cette hypersensibilité ?

Il faut d’abord de distinguer ce qu’est la sensibilité et l’hypersensibilité. Il s’agit ensuite de guérir ses blessures émotionnelles et son passé, car travailler sur ses bagages émotionnels créera un apaisement. Les personnes doivent aussi identifier leurs besoins : comme elles sont souvent tournées vers l’autre, elles doivent apprendre à prendre soin d’elles-mêmes. Elles doivent aussi comprendre comment fonctionne le système nerveux pour ne pas se laisser submerger par le stress.

Cette compréhension des besoins est donc primordiale ?

Il faut en effet les connaitre à titre individuel, en tant que personne. Avant même de songer à la sphère professionnelle. Ai-je besoin de silence ? Ou de nature, par exemple ? Il faut être un peu égoïste et prendre soin de soi pour se recharger quotidiennement. Il est important de ne pas y déroger.

Au niveau professionnel, il faut privilégier bien sûr une activité qui ait du sens pour soi. Il faut aussi avoir un cadre assez protecteur, sans être rigide. Il est important de déléguer et de relativiser son perfectionnisme. Enfin, il faut apprendre à communiquer ! Notamment par le biais de la communication non violente, la CNV. Cet outil permet d’identifier ses besoins et de les verbaliser. Avec ses collègues, il vaut mieux communiquer de manière factuelle, car en tant qu’hypersensible, on voit souvent les choses sous un prisme émotionnel. La CNV permet cela. Il faut aussi communiquer de manière régulière, poser des questions et ne pas hésiter à demander des feedbacks.

Faut-il parler de son hypersensibilité à ses collègues ?

Dire ‘je suis hypersensible’ ne sera pas suffisant, car la définition du terme reste floue pour beaucoup. Le mieux est d’expliquer son fonctionnement, y compris d’un point de vue neurologique et sous l’angle de la performance. C’est dire, par exemple : ‘dans ce contexte-là, j’arrive mieux à travailler’. En fait, il est important de former les collaborateurs et les RH. Il y a quand même 31 % de personnes hypersensibles en France ! Beaucoup d’hypersensibles sont considérés comme des profils exécutants, alors qu’ils sont davantage sur la création et la vision à long terme. Il faut les mettre au bon endroit…

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Diplômée en lettres modernes, Céline Tridon a suivi une formation en journalisme à l’IPJ. Elle y a confirmé son envie de travailler pour la presse écrite et web, souhait exaucé à travers la collaboration avec différents supports sur les thématiques « entreprise », « monde du travail », « management » et « RSE ». En 2023, elle reprend la rédaction en chef de My Happy Job.

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