La santé mentale est un déterminant majeur de la qualité de vie au travail. Pour mieux accompagner les collaborateurs qui rencontrent un problème de santé mentale, de plus en plus de managers se forment aux premiers secours en santé mentale. Dans un contexte jugé incertain, cette compétence risque de devenir incontournable.
Par Laurence Roux-Fouillet, sophrologue et formatrice accréditée premiers secours en santé mentale
www.espaceducalme.com
Début 2020, l’association Premiers secours en santé mentale France avait projeté que les troubles de la santé mentale constitueraient la première cause d’arrêt maladie dans le pays. La réalité ne lui a pas donné tort et la crise sanitaire n’a fait que renforcer ce constat. Troubles anxieux, dépression, crises d’angoisse… ces problèmes de santé mentale ont fortement progressé au travail – comme dans la vie courante. Dans les cabinets des sophrologues, nous voyons arriver de plus en plus de personnes sujettes à des troubles du sommeil récurrents ou à des maux physiques que nul médecin ne parvient à expliquer – sauf à évoquer un processus de somatisation.
La santé mentale est au cœur des préoccupations. A ce titre, il est bon de rappeler qu’elle est partie intégrante de la santé, pour laquelle toute organisation-employeur (entreprise, association, collectivité territoriale, structure publique…) a un devoir de prévention. Hélas, la prévention ne suffit pas toujours : même lorsque les conditions d’une qualité de vie optimale au travail sont réunies, un collaborateur peut basculer. C’est désormais au quotidien qu’il faut gérer les changements d’attitude, de pensées et de comportements de certaines personnes pour lesquelles il est légitime de s’inquiéter. Mais comment se positionner, aider et même réagir quand un collègue se plaint d’une fatigue inexpliquée, quand un autre évoque des pensées sombres, un troisième se met à pleurer sans raison ou un autre a de toute évidence des problèmes d’alcool ? Les professionnels des ressources humaines sont en première ligne. Ils sont souvent les témoins ou les confidents de ces déséquilibres – tout comme les managers de proximité. Ils peuvent se trouver démunis car ce n’est plus la performance qui est en jeu, ni même l’efficacité du salarié, mais bien la santé.
Apprendre à aider
Il y a une vingtaine d’années, des professionnels australiens de la santé mentale ont eu l’idée de créer un programme grand public, sur le modèle des formations en secourisme en santé physique. Arrivé en France en 2019, où il a été traduit mais surtout adapté à notre système de soin, ce programme rencontre un grand succès (100 000 secouristes ont déjà été formés), en particulier dans le monde du travail. 90 % des stagiaires formés sont issus de l’entreprise. Si le secouriste apprend habituellement les « gestes qui sauvent », le secouriste en santé mentale acquiert, lui, « les paroles qui aident ». Tout comme leurs homologues du somatique, les secouristes en santé mentale ne seront jamais des soignants. Ils sont formés à comprendre la problématique, pour mieux repérer les signes qui alertent, tenir un discours encourageant, informer et orienter toute personne sujette à des troubles psychiques. Le tout en suivant un plan d’action simple qui a obtenu le consensus d’associations de psychiatres chercheurs, cliniciens, d’aidants familiaux et de patients eux-mêmes.
Plus qu’une formation, un état d’esprit
Le programme est une merveille de concision et de conseils validés pour intégrer l’essentiel en deux jours. Mais l’intérêt du secourisme réside surtout dans l’état d’esprit qu’il crée. Toute personne ayant suivi la formation en sort transformée. Elle change son regard, son discours sur cette problématique et devient rapidement un promoteur de la santé mentale. C’est désormais un sujet que l’on peut aborder avec moins de tabous et sans la peur d’être stigmatisé – ou à l’inverse celle d’être indiscret. Si informer est important, soutenir ne l’est pas moins.
Toutefois, à trop vouloir aider, on peut basculer soi-même dans des difficultés psychiques, avec leur cohorte de ruminations angoissées et d’insomnies. En travaillant une juste posture, on aide les autres, tout en se préservant soi-même. Cette attitude est fondamentale, quand on sait que nombre de responsables RH flirtent eux-mêmes avec l’anxiété ou la dépression…
Aujourd’hui, de plus en plus de professionnels du travail, ayant déjà leur propre technicité, se forment aux premiers secours en santé mentale : médecin ou infirmier du travail, psychologue responsable des ressources humaines, représentant du personnel, référent QVCT, RSE ou SST, pompier volontaire…ou « simple » collaborateur. Nous pouvons être tous vigilants, pour que l’intervention précoce participe au mieux-être de tous.
Cet article est extrait du Hors-Série #19 de My Happy Job by Moodwork : Prévenir, protéger, préserver.
Pour ne rater aucune actualité en matière de qualité de vie au travail, inscrivez-vous à la newsletter de My Happy Job et découvrez notre annuaire du bien-être au travail.
A lire aussi :
– Se préserver et manager par le care
– Sauveteur en santé mentale, pour prendre soin de ses collègues