Réserver une baby-sitter pour la soirée de samedi, prendre rendez-vous chez le dentiste pour le petite dernier, faire les courses pour le dîner… La charge mentale, c’est avoir en permanence dans un coin de la tête les impératifs liés aux tâches domestiques, parentales, familiales et personnelles, même en-dehors de leur réalisation. Mais elle peut exister aussi dans la sphère professionnelle : on parle alors de charge mentale au travail. Découvrons ensemble de quoi il s’agit, quelles sont ses conséquences et son impact sur le travail, et quelles solutions existent pour la diminuer.

La charge mentale au travail, c’est quoi exactement ?

La définition de la charge mentale appliquée au monde professionnel

Pression d’une to-do list à finir, dossier à rendre, mails en retard, rendez-vous à préparer… Tout cela s’accumule et vous trotte dans la tête sans cesse. Au travail, la charge mentale exprime ainsi la quantité d’informations à traiter, de décisions à prendre, de tâches à accomplir à laquelle nous sommes quotidiennement confrontés. En bref, c’est la préoccupation pour tout ce que vous ne devez surtout pas oublier de faire ! La définition de la charge mentale au travail, c’est donc la charge mentale appliquée au monde professionnel. Pour autant, cette charge mentale, si elle est liée au travail, ne reste pas au bureau : c’est un poids qui vous suit jusque chez vous.

Si on en parle beaucoup chez les cadres, elle touche cependant tout le monde et en particulier les femmes et mères de famille. Selon un sondage de l’IFOP, près de 92% des cadres penseraient encore au travail une fois chez eux.

“Nous avons tous des capacités limitées”

Comme le rappelle Margaux Gelin, docteur en psychologie cognitive chez Moodwork, “il est NORMAL d’oublier, il NORMAL de ne pas réussir à penser à tout et il est NORMAL de ne pas réussir à faire plusieurs choses en même temps… C’est biologique ! Nous avons tous et toutes des capacités limitées ! Il est donc important de déculpabiliser.”

Nous ne sommes pas non plus capables de tout retenir : notre mémoire à court terme, en particulier, nous permet de ne retenir qu’un certain nombre d’informations à la fois et pendant un certain temps, après quoi notre mémoire sature et il nous faut faire de la place à de nouvelles informations. On estime ainsi qu’on ne peut retenir que 7 éléments à la fois, en moyenne. Ces limites à nos capacités cognitives sont naturelles, utiles et salutaires – elles nous protègent des effets délétères d’une surcharge mentale.

La double peine pour les femmes

“La fameuse double journée des femmes est en réalité une seule et même journée au cours de laquelle travail et tâches domestiques s’entremêlent en permanence avec des effets délétères sur le bien-être et la productivité, souligne Benjamin Suchar, fondateur de Yoopies, qui a mené une étude sur le sujet avec Le Lab RH. Plus encore, en démontrant que la charge mentale a un impact significatif sur les évolutions de carrière, notre enquête fait prendre conscience que la lutte pour l’égalité femmes-hommes en entreprise passera obligatoirement par la prise en compte des inégalités au sein de la sphère privée.”

Ainsi, la charge mentale au travail se double, pour les femmes plus souvent que pour les hommes, de la charge mentale liée au foyer et à la vie de famille. Résultat : selon l’indice de charge mentale développée par Mooncard et l’IFOP, les femmes sont plus touchées que les hommes, et le phénomène s’aggrave lorsqu’un ou plusieurs enfants sont à charge.

Quelles conséquences une charge mentale au travail trop importante peut-elle avoir ?

Les différences entre charge mentale et surcharge mentale

On parle parfois de surcharge mentale au travail. La différence avec la charge mentale au travail est notable. Cette dernière n’est pas en soi négative : elle est présente chez tout le monde. La surcharge advient en effet lorsque la charge mentale est trop importante, quand la to-do list “déborde” : elle peut donc avoir des conséquences néfastes comme, dans certains cas les plus graves, le burn-out.

Lorsque notre attention est sur-stimulée, qu’on se retrouve à devoir prendre une multitude de décisions ou à devoir retenir trop d’informations, nos capacités cognitives sont dépassées et c’est la surchauffe. “Nous avons tous un seuil à ne pas dépasser au risque de basculer dans la surcharge mentale, explique Clément Poirier, docteur en psychologie chez Moodwork. En effet, nos capacités cognitives sont naturellement limitées, en particulier nos capacités d’attention et de mémorisation.”

Quelles sont les différences entre charge mentale, charge mentale au travail et surcharge mentale ?

Là où cela devient particulièrement problématique, c’est lorsque cette surchauffe devient chronique et que la surcharge mentale s’installe dans la durée, prévient Virginie Boutin, CEO de BloomR Impulse. Or, dans un monde marqué par la complexité, l’hyperconnexion, l’infobésité, la vitesse, l’instantanéité, et la course à la productivité, les risques de surcharge mentale sont de plus en plus élevés. Autres facteurs de risque, une charge de travail trop lourde, bien entendu, certaines pratiques organisationnelles, notamment le multitasking, et la multiplication d’interruptions dans les journées de travail, ainsi qu’un usage excessif ou non maîtrisé du numérique.”

Les nombreux effets négatifs de la surcharge mentale

Selon l’étude menée par Yoopies et Le Lab RH, la charge mentale est une source de stress et d’anxiété pour près de 9 salariés français sur 10. Elle est aussi à l’origine de fatigue et d’une baisse de la motivation. 67% considèrent qu’elle perturbe leur efficacité, 44% qu’elle entraîne du retard dans leurs tâches professionnelles et un-tiers qu’elle a une incidence négative sur leur évolution de carrière. En plus des conséquences à un niveau personnel pour les travailleurs, la charge mentale peut donc avoir des effets néfastes sur la productivité d’une entreprise ou d’une organisation.

A un niveau personnel, la charge mentale, lorsqu’elle est trop importante, peut donc avoir des conséquences sur la santé et présenter des risques. Troubles du sommeil et de l’attention, et dans les cas les plus graves, épuisement ou burn out. “Les conséquences se font ressentir sur la santé tant mentale que physique, insiste Virginie Boutin, co-auteure du livre “2h de chrono pour déconnecter (et se retrouver)” (Dunod). Les répercussions de la surcharge mentale sont donc nombreuses et d’ordre aussi bien physique que psychologique. Elles touchent, par ailleurs, aussi bien l’individu que le collectif.”

Au niveau de l’entreprise, une charge mentale trop importante pour les travailleurs peut en effet avoir des impacts profonds sur l’organisation, le bon fonctionnement de la boîte et ses performances. Turn over important, absences à répétition, baisse d’efficacité… Lorsque ces symptômes sont observés, la tâche revient à l’équipe dirigeante, au management, aux RH ou aux responsables QVT d’en trouver les causes et les facteurs pour les traiter et améliorer le quotidien des équipes. La prévention n’est pas à sous-estimer non plus et peut aider à réduire les risques.

Quelles solutions pour alléger sa charge mentale au travail ?

Existe-t-il une solution à une charge mentale au travail trop importante ? Si chaque problème est particulier, des pistes sont à envisager, qui s’appliquent dans plusieurs cas. Si certaines pratiques dépendent du salarié, d’autres doivent être mises en place par les entreprises pour aider leurs collaborateurs.

Trois niveaux d’action

Comme déjà dit, la charge mentale n’est pas négative en soi, mais il faut savoir la gérer pour ne pas se retrouver en surcharge. Pour cela, vous pouvez agir à trois niveaux (Tricot & Chanquoy, 1996) :

Agir sur votre environnement :

  • lieu dédié (pour les télétravailleurs), horaires fixes, matérialiser les temps de vie avec des rituels de début et de fin de journée, matériel adapté.

Agir sur vos tâches en les organisant :

  • Classer les tâches en fonction de leur importance et de l’urgence (matrice Eisenhower)
  • Simplifier les missions ou les processus en les découpant en sous-objectifs
  • Planifier l’ensemble des tâches à réaliser (pro et perso) avec une to-do-list bien organisée et hiérarchisée. Écrire permet aussi de décharger votre cerveau et de vous vider l’esprit, surtout si vous avez tendance à ruminer.

Favoriser vos propres compétences (agir sur l’individu) :

  • Se former pour augmenter son niveau d’expertise
  • Créer des moments de détente, des pauses pour libérer la charge (méditation, sport et autres pratiques). Quelques exemples de pauses régénérantes : du mouvement, se lever, aller chercher un verre d’eau, aller parler à un collègue, observer la nature dehors…

5 conseils pour réduire votre charge mentale au travail

Voici des bonnes pratiques proposées par Virginie Boutin et Clément Poirier, lors de notre webinaire “Comment alléger sa charge mentale ?”.

1° Protéger son attention

Il s’agit de choisir intentionnellement et avec parcimonie ce qui mérite notre attention, et de se protéger du reste. Pour cela, différentes méthodes et astuces existent :

  • S’organiser par blocs de travail
  • Tester la méthode Pomodoro : une alternance de sessions de travail intensif et de moments de pause pour justement se régénérer et reprendre de l’acuité mentale. (renvoie vers l’article sur le blog)
  • Aménager des pauses régulières
  • Dire non au multitasking
  • Mettre les notifications en pause pour vous concentrer sur la tâche en cours et ne pas regarder vos mails en continue tout au long de la journée

D’un point de vue collectif, toute équipe aurait intérêt à initier une discussion sur le sujet, pour comprendre les ressentis et les besoins des uns et des autres sur ce sujet, et s’accorder sur des règles et bonnes pratiques communes

2° Apprendre à dire non

Il s’agit de se fixer une liste de choses à faire, en fonction de ses obligations et de ce qu’on se sent en capacité d’accomplir, et d’éviter d’y déroger en refusant autant que possible d’y ajouter de nouvelles demandes extérieures. Cela requiert un ajustement dans les pratiques, pour accepter que chacun s’autorise à refuser une demande, une tâche nouvelle, ou tout du moins à négocier les délais lorsque son emploi du temps est déjà plein. Une bonne communication est, bien entendu, indispensable, pour que cela puisse se faire sereinement. Si dire non est compliqué, posez des limites en disant “oui mais” et en expliquant vos conditions : “Oui, je peux relire ton dossier, mais après mon rendez-vous de cet après-midi”.

3° Alerter son manager

Comment alerter son manager sur une surcharge de travail ? Plutôt que d’aller voir son manager avec le message “j’ai trop de travail”, ce peut être une bonne idée de préparer à l’avance des suggestions de priorisation, puis lui exposer la situation, exprimer ses besoins, et lui expliquer comment on propose de s’organiser, ce sur quoi on a envie de porter notre attention, et comment on pourrait changer notre façon de travailler pour se sentir moins submergé.

4° Accepter l’imperfection et célébrer les petites victoires

Lutter contre la surcharge mentale implique souvent d’accepter de ne pas pouvoir tout faire, tout savoir, tout gérer. De renoncer. Pour relever ce défi, cela aide de se concentrer sur les réussites plutôt que sur les manquements, et de braquer les projecteurs sur ce qui a été accompli plutôt que ce qui reste à faire. En fin de journée, on peut par exemple prendre un moment pour faire un arrêt sur image et se féliciter du travail terminé : pourquoi ne pas faire une “did-list” au lieu de vous focaliser sur ce que vous n’avez pas encore fait ou fini ?

5° Libérer la parole

Une des difficultés avec la charge mentale, c’est qu’on ne la voit pas. Il est ainsi difficile de mesurer le poids que la charge mentale fait peser sur un collègue, si ce dernier n’en parle pas. Puisque ce sujet touche tout le monde, nous avons tout intérêt à prendre l’habitude de s’en parler, collectivement. Cela permet, à la fois, de prendre conscience que tout le monde est dans la même situation ou presque, de s’échanger les astuces entre pairs, et de prendre mutuellement soin les uns des autres.

Cela passe notamment par une attention accrue à son entourage : se demander sincèrement comment ça va, notamment quand on constate un changement de comportement, s’en enquérir avec bienveillance. Si on est manager, demander spécifiquement des retours sur les niveaux de charge et faire participer l’équipe à l’organisation de cette charge. Instaurer une culture de l’autonomie et du feedback.

Découvrez le replay de notre webinaire sur la charge mentale au travail

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour,
    résultats sur une étude de 1 300 répondants. oK, mais …
    c’est finalement peu au regard du nombre de salariés en France, et puis cela peut être tellement différent selon Paris ou province, selon le secteur d’activité. Donc finalement, on peut pas conclure grand chose ici, non ? (et c’est bien dommage)

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