Après vingt ans de management dans les ressources humaines, Françis Boyer a fondé le site  innovationmanageriale.com. Il intervient auprès d’entreprises pour accompagner des changements d’organisations. Avec Thomas Laborey, il vient de publier un ouvrage sur la semaine de quatre jours. Une organisation gagnante pour les entreprises et les salariés, juge-t-il.

Vous venez de publier La Semaine de 4 jours, sans perte de salaire, ça marche (Editions Eyrolles, co écrit avec Thomas Laborey), pour accompagner les entreprises à adopter la semaine de quatre jours, pourquoi ce thème ?

Francis Boyer : En 2022, je voyais beaucoup d’articles sur la semaine de 4 jours, avec un ressenti qu’elle serait une réponse au besoin d’attractivité et d’engagement des entreprises. J’ai voulu montrer que cette organisation permet surtout d’allier productivité et bien-être : c’est intéressant qu’une même pratique puisse conjuguer les deux.

En quoi la semaine de 4 jours favorise-t-elle le bien-être au travail ?

Il y a plusieurs raisons. La première est d’ordre physiologique : elle permet de répondre au besoin de récupération de notre cerveau. Aujourd’hui le problème n’est pas le stress, mais la surcharge mentale. Au-delà de la semaine de 4 jours, cette pratique permet de gagner 47 jours de récupération supplémentaires et permet donc de diminuer la production de cortisol et d’adrénaline, et donc de stress. Quand on travaille 5 jours, on passe 5 jours à se lever, à vivre tout un tas de pressions et de tensions : 4 jours diminue cela.

La deuxième chose est de dire que, pour que cela marche, il faut mobiliser les équipes sur les savoir-faire et être ensemble. Le point de départ est de questionner les équipes sur les heures de travail effectives, les pauses, les mails, les réunions… Le bénéfice du travail sur 4 jours est d’interroger le travail collectif, avec un but commun, un peu comme un nouveau contrat social donnant-donnant.

Vous voyez dans cette organisation de nombreux avantages. Sont-ils autant du côté de l’employeur que des salariés ?

Les premières semaines sont compliquées pour le maintien de l’activité et l’organisation. Mais passée cette période d’adaptation, passer à 4 jours est bénéfique pour les deux parties. D’abord, le nombre d’heures peut être conservé : on peut faire 35 heures sur 4 jours. Cela oblige à certains changements d’habitudes : au quotidien le travail sera plus long, mais cela est bénéfique pour l’employeur et les salariés car il est nécessaire de se mettre autour d’une table pour trouver de nouvelles manières de travailler.

Pour le salarié, on peut lister les avantages : un meilleur équilibre des vies, moins de fatigue, mois de stress et une diminution des arrêts maladie – ce qui est aussi bénéfique pour le système de protection social ! – et un gain d’autonomie et de créativité.

Côté employeur : une organisation dans laquelle tout le monde apprend à déléguer pour que le travail perdure pendant les jours off, et donc un apprentissage d’outils technologiques ou de communication, une diminution des difficultés d’attractivité et du turn over, et un maintien de l’engagement.

Pour les managers, cette organisation ne complique-t-elle pas le quotidien?

Je pars du principe que les managers passent aussi à 4 jours, sinon l’objectif collectif ne fonctionne plus… Donc les managers profite aussi des avantages, comme tous les salariés. Au début, ils ont peur au niveau de la continuité de service, c’est là-dessus que j’interviens dans les entreprises principalement.

Le passage à la semaine de 4 jours réinterroge la fonction de manager. Si sa mission est de prescrire et contrôler, cela pose problème. Je prône la travail en co-construction afin que tout le monde puisse être autonome et que le manager devienne un facilitateur. Son rôle n’est plus d’être un sachant, mais un aidant, qui organise et qui facilite.

Le management n’est alors plus basé sur le respect des règles, mais sur l’atteinte du résultat.

Quels sont les points d’attention à observer pour les entreprises qui décideraient d’adopter la semaine de 4 jours ?

La première étape est de passer un contrat avec les équipes pour dire : « Je vous offre 47 jours de repos supplémentaire. En contrepartie, j’attends des résultats et aucune différence pour les clients. »

La deuxième est de prendre conscience des biais cognitifs et d’acculturer les équipes aux idées reçues : souvent cela nécessite d’explorer les manières de travailler pour imaginer comment faire autrement. Je conseille d’aller à la rencontre d’entreprises qui sont déjà passé à cette organisation en 4 jours avant de commencer une étape d’expérimentation.

Pour moi, l’expérimentation doit ensuite être conduite en test and learn, en mode agile, et identifier ce qui fonctionne ou pas en partageant les résultats sur un réseau social interne, par exemple.

Je conseille aussi de recueilli des feed-back, avec un recueils d’indicateurs mensuels.

Comment, personnellement, ne pas se surcharger les journées travaillées, quand la semaine n’en compte plus 5, mais 4 ?

On va travailler le même nombre d’heures sur 4 jours, donc il faut autoriser la personne à poser des alertes si elle se sent débordée. Les indicateurs de pilotage mensuel doivent interroger ces craintes et ces peurs. Il faut autoriser la parole, c’est légitime de ressentir du stress lorsque l’on expérimente quelque chose d’inconnu. Il n’y a aucune honte à être débordé, il faut juste faire attention à l’ego.

La semaine de 4 jours est possible lorsque l’on a bien ancré une culture de la bienveillance : il faut acculturer les équipes à un mode de collaboration, avec davantage de confiance, de responsabilité, d’audace et d’autonomie.

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Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

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