La manipulation a mauvaise réputation. Souvent à juste titre, mais pas toujours. Pour moi, ne jamais vouloir recourir à la manipulation, c’est comme refuser de manger avec un couteau sous prétexte que cela sert aussi à tuer des gens. Oui, la manipulation peut être utilisée à mauvais escient. Mais elle peut aussi être utilisée à bon escient. Et vous allez voir comment.

En fait, il est assez peu probable que vous n’utilisiez jamais la manipulation. La définition de la manipulation, selon le Larousse, c’est « l’action d’orienter la conduite de quelqu’un, d’un groupe dans le sens qu’on désire et sans qu’ils s’en rendent compte ». Lorsque vous cherchez la meilleure manière de présenter une idée ou un projet pour qu’il soit accepté, lorsque vous choisissez soigneusement vos mots face à une réaction agressive pour amener l’autre à se calmer, à votre avis vous faites quoi ? Oui, vous êtes bien en train de faire de la manipulation. Et c’est peut-être la stratégie la plus adaptée dans ces contextes.

Voici une autre illustration, tirée de mon expérience en ressources humaines. Un responsable m’appelle, très énervé, pour me demander de faire partir le soir même une stagiaire « au comportement inacceptable ». Le comportement en question (ne pas avoir respecté une consigne) constituait certes une erreur (plus qu’une faute d’ailleurs) mais ne méritait sûrement pas une réaction aussi radicale. Je commence par une approche directe en essayant de faire comprendre au responsable que sa décision est probablement disproportionnée. Rien à faire : le responsable est toujours aussi énervé et fermé, me disant que « je ne comprends rien ». Je comprends alors que je n’arriverai à rien avec cette approche. Je vais alors dans une autre direction, en disant : « Allons, vous êtes au-dessus de tout ça ».  Le responsable laisse un blanc, avant de répondre : « Tu sais quoi, tu as raison. Laissons tomber ». C’était clairement de la manipulation de ma part. Mais où est le problème ? L’approche directe ne menait nulle part, le responsable s’en sort avec une bonne image de lui-même (quelqu’un de bienveillant et généreux) et la stagiaire garde son stage. Bref, tout le monde y gagne.

Si la manipulation a mauvaise presse, c’est parce qu’elle est associée au fait qu’elle soit utilisée au bénéfice de la personne qui manipule et au détriment des autres. Mais ce n’est pas nécessairement le cas et ce n’est pas inclus dans la définition. Alors quel est le bon usage de la manipulation ?

– La manipulation est un joker lorsque l’approche directe, authentique, transparente ne fonctionne pas ou fait plus de mal que de bien.

– La manipulation n’est pas un problème si elle n’entraîne pas de préjudice pour les autres, c’est-à-dire si elle ne fait pas de victimes.

– La manipulation n’est pas un problème si elle est faite au bénéfice des autres. Par exemple, dans mon activité de thérapie, j’emploie des stratégies thérapeutiques sans toujours dire ce que je cherche à obtenir comme effet en agissant ainsi. Parce que je sais que si j’en dit trop, je n’obtiendrai pas cet effet. Mais l’effet que je cherche à obtenir, c’est pour aider, de la façon la plus efficace, la personne à atteindre ce pour quoi elle m’a demandé de l’aide. Autrement dit, je l’amène dans la direction qu’elle a elle-même décidée.

Pour donner une dernière illustration, prenons l’approche du « nudge », qui consiste à influencer les comportements dans le sens du bien commun, sans que les personnes ne s’en aperçoivent. C’est clairement de la manipulation. Lorsque dans les cantines scolaires, on place les différents plats de telle sorte que les enfants choisissent ceux qui sont les meilleurs pour leur santé, c’est de la manipulation. Et c’est bon pour eux.

En résumé, rappelez-vous que la manipulation peut faire du mal, mais que l’authenticité peut aussi en faire. C’est très bien de privilégier l’authenticité, mais cela peut être utile de se rappeler que la manipulation peut aussi avoir des effets bénéfiques.

Ancien directeur du développement des talents chez KPMG, psychologue clinicien, thérapeute spécialisé en thérapies comportementales et cognitives (TCC) et en thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), Christophe Deval est associé fondateur de A.Life, co-auteur de “Simplifiez vos relations avec les autres” et “Découvrir l’ACT” (Intereditions). Plus d’infos : www.a-life.fr et  www.act-life.fr

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Diplômé de l’ESSEC, psychologue clinicien et thérapeute praticien en thérapies comportementales et cognitive, Christophe Deval est spécialisé dans le développement de la flexibilité psychologique et comportementale et l’ACT (Acceptance and Commitment Training). Après 5 ans d’expérience en audit financier, puis 15 ans en ressources humaines, il a quitté KPMG où il était Directeur du Développement des Talents jusqu’en 2018 pour créer la société A.Life, dont la vocation est de développer l’agilité individuelle, relationnelle et collective, et plus généralement les soft skills internes. Il est co-auteur de « Vous avez tout pour réussir », « Simplifiez vos relations avec les autres » et auteur de « Découvrir l’ACT ». LinkedIn

1 COMMENTAIRE

  1. Savoir mieux que les personnes ce qui est bon pour elle et les faire agir en conséquence, oui c’est de la manipulation. Et cela vous met dans une situation de toute puissance : c’est vous qui savez ce qui est le mieux, pas la personne concernée, qui ne réagirait pas “bien” si vous lui disiez franchement pourquoi vous faites les choses… Mais alors quel est votre garde fous ? Comment savez vous si vraiment c’est pour le bien commun (qui serait à d’ailleurs à definir) ou pour votre satisfaction et votre ego personnel ?

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