Dans les entreprises réparties géographiquement sur de multiples sites, la qualité de vie au travail devrait être la même pour tous les collaborateurs. Mais comment y parvenir ? 

Une cellule de crise permanente. Comme on surveille le lait sur le feu, Jean-Claude Delgènes, fondateur du cabinet de conseil Technologia, veille à la qualité de vie au travail (QVT) de ses 150 collaborateurs. « Nous sommes spécialistes de l’accompagnement de crise donc habitués et formés à une écoute active », commence-t-il. Il n’empêche, les situations difficiles existent dans toute entreprise, et nuisent à la qualité de vie au travail. Pour réagir le plus vite possible, il a donc installé une « cellule de crise », car « il ne faut jamais laisser s’installer une situation délétère sans intervenir » (voir ci-dessous ses conseils).

Une équipe permanente, composée du responsable du personnel et de deux élus syndicaux qui peut être saisie à tout moment par n’importe quel salarié. « En cas de harcèlement sexuel, il peut être compliqué de parler à son manager, la cellule de crise est là pour écouter et faire remonter le problème », explique-t-il. « La QVT dépend de la qualité d’écoute et d’entraînement de chaque directeur de site sachant que tout le monde a une nécessité de reconnaissance et de sanctions pour avoir des repères communs », poursuit-il.

Savoir être à l’écoute

« C’est important de déployer une culture et une politique partagée », réagit Nathalie Aziz, directrice Santé, Sécurité et QVT du groupe Action Logement, qui compte 18 000 collaborateurs en France, sur des centaines de sites (via plusieurs filiales). Son rôle : proposer et piloter. « J’anime un réseau avec mes homologues QVT ou responsables des ressources humaines pour assurer la cohésion, précise-t-elle. Avec l’idée de donner une langue commune à tous sur le sujet important de la QVT. »

Il n’existe évidemment pas un modèle qui serait duplicable dans des sites de dix, de 100 personnes, voire plus. « Je propose plutôt des outils à déployer en local », explique Nathalie Aziz. Grâce à des « points réguliers » avec les chargés de la qualité de vie sur chacun des sites du groupes, elle recueille les thématiques qui les intéressent, et conçoit avec son équipe de 3 personnes, des supports sur les addictions, vidéos sur la déconnexion, questionnaires sur la QVT en général ou fait intervenir (en réel ou en visio) des intervenants sur les troubles musculo-squelettiques, la relaxation…

« Pour que cela fonctionne sur des structures éclatées géographiquement, il faut des moments de partage, avec des gens porteurs du sujet en interne, qui font des remontées de terrain sur les thèmes à travailler », défend-elle.

Une cheffe d’orchestre de la QVT

Le groupe a donc créé des outils en interne mais les plus grosses entités, qui ont davantage de moyens, font parfois appel à des prestataires externes en supplément. « On a beaucoup de demandes pour de l’accompagnement pour structurer des projets. Clairement, le thème de la QVT intéresse, mais chaque site va à son rythme et je suis là pour mobiliser et partager les bonnes pratiques », détaille-t-elle. Comme une cheffe d’orchestre de la QVT. Elle a aussi organisé des sessions de formation sur le handicap et les RPS pour les managers : « cela leur permet de voir comment le groupe se place sur le sujet ».

« Pour la QVT, cela ne passe pas forcément par des formations, il s’agit souvent de conférences car la QVT englobe beaucoup de thématiques, c’est un état d’esprit », estime-t-elle. Un café virtuel est, par exemple, organisé une fois par mois et disponible en rediffusion sur des thématiques de qualité de vie (nutrition, développement durable, RPS…). Elle a aussi mis en place des référents harcèlement, avec des procédures pour faire remonter le mal-être. Elles permettront d’agir en cas de problème. « L’important est d’avoir des relais en local, car chaque structure a ses spécificités et on doit respecter ces différences locales », insiste-elle.

Démarche globale, actions locales

A la Poste, Florence Wiener chapeaute la thématique qualité de vie au travail, depuis Paris, pour les 180 000 postiers français. « On définit au niveau national la politique et les grandes orientations au sein de l’équipe RH et à travers les accords sociaux signés, puis on partage cette politique et on la transmet aux équipes RH territoriales d’une part et aux managers d’autre part », décrit-elle. Pour la directrice QVT, le multisites exige de donner à tous des outils. « Nous avons créé Les Essentiels QVT, une méthode pour être à l’écoute des collaborateurs, managers ou équipes plus spécifiques comme les préventeurs ou médecins du travail. Cette méthode est basée sur une grille d’analyse des propos, avec une liste de sujets auxquels être attentif (l’ambiance, les relations, le rapport au manager…) ». Chaque année, les managers doivent engager une ou deux actions pour améliorer la QVT de leur structure.

La clé de la réussite selon elle : la « confiance ». « Les sujets de qualité de vie se traitent en proximité selon chaque environnement de travail (l’aménagement des sites est géré par établissement, tout comme les actions pour parler des collectifs de travail ou les moments de convivialité, ndlr), mais il y a des choses qui doivent bénéficier à tout le monde, comme le soutien aux aidants, le télétravail… c’est pourquoi il est cohérent d’avoir une politique nationale », justifie Florence Wiener. Sa conclusion ? « On structure une démarche globale, on l’explique, et on donne les moyens et outils pour qu’elle redescende sur chaque site et profite à tous. »

Les recommandations de Jean-Claude Delgènes

Pour le fondateur du cabinet Technologia, spécialiste de l’accompagnement de crise et de la prévention en entreprise, assurer la qualité de vie au travail sur plusieurs sites suppose de « mettre en place des dispositifs qui doivent être réguliers, sans tomber dans la routine ». « Il faut surtout remonter des signaux faibles de chacun des sites sur le ressenti sur place », grâce à une relation de confiance entre le top management, le management intermédiaire et les salariés. Pour lui, il y a un gros travail de management à faire, particulièrement quand les équipes sont en télétravail ou à distance :

> Etre en phase avec le vécu quotidien des salariés, dans les moments particuliers (plan social, signature de contrat…) comme ordinaires
> Ne jamais laisser s’installer une situation délétère sans intervenir
> Créer un vrai collectif de travail avec des temps forts, des mini-temps forts régionaux et un fil info virtuel pour que les gens appréhendent ce qui se fait ailleurs
>Donner de la visibilité : voir loin pour voir bien, car « les gens ont besoin de profondeur pour se rassurer »
>Permettre des temps de récupération, c’est-à-dire éviter le stress permanent en aménageant des moments de repos entre les temps forts pour éviter les spirales négatives
>Construire une base éthique et de valeurs qui respecte chacun et ses manières de travailler
>Exiger l’équité et assurer la juste récompense salariale et organisationnelle de tous pour éviter les rancœurs et la démobilisation.

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Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

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