Quand on court entre deux réunions pour aller poster une lettre et qu’on voit des passants prendre le temps, attablés à un café, ou tout simplement la tête en l’air, détendus, on se dit : « comment font-ils ? ». Alors pourquoi et comment s’autoriser à prendre 5 minutes, une heure, une après-midi rien que pour soi ? Conseils et témoignages.

Le problème ? « C’est la culpabilité. » Pour Catherine Capaldo, coach dans la région de Marseille et spécialiste du pilotage de la qualité de vie en entreprise, la solution est claire : il faut arrêter de culpabiliser. Réaliser que se poser un peu est bon pour son bien-être, mais aussi pour sa performance au travail. « On a tous tendance à faire passer les obligations et les engagements avant de prendre du temps pour soi, mais quand on parvient à s’autoriser ces moments, on trouve un meilleur équilibre de vie, c’est important pour gérer son stress et donc être plus efficace », assure la coach.

Marché et pause sociale le mardi matin

C’est ce que constate Sixtine Thomas-Richard au quotidien. Mompreneur, à la tête de la société “Ma petit organisation” qui édite notamment un agenda « organisateur de vie », cette maman de quatre enfants, a appris à penser (aussi) à elle pour être plus efficace dans son boulot. « Le petit déj’ déjà est sacré : mes enfants savent qu’ils ne doivent pas me déranger. C’est ma routine, un thé avec des gâteaux, seule, qui me permet de faire le point de ma journée et de bien la commencer », raconte-elle.

Chacun doit trouver « son » moment de la journée. Et choisir quoi en faire : prendre un café, aller à la piscine, voir une copine, aller marcher dehors, lire quelques pages de romans, faire un peu de shopping (pour le plaisir pas pour acheter le produit vaisselle oublié!)… Ainsi Sixtine Thomas-Richard a également décidé de se garder le mardi matin « pour elle ». « Je vais au marché, tranquille avec ma petite dernière. Ce jour-là, il n’y a personne, donc je suis au calme et c’est une sortie que j’aime. » Ensuite, elle rejoint des copines pour un café. « C’est ma bouffée d’oxygène, ma pause sociale du mardi », résume-t-elle. Car avoir la tête dans le guidon amenuise souvent les relations extra-professionnelles.

Gérer les interruptions permanents pour gagner du temps

« On estime que l’on peut travailler maximum deux heures de suite en étant bien concentré », rappelle aussi Christine Mirabel-Sarron, psychiatre, co-auteure du livre Bien gérer son temps pour vivre mieux avec Nayla Chidiac (Odile Jacob, 2012). « Le problème c’est que si l’on est tout le temps interrompu, par un SMS, un mail, un collègue, un coup de fil, on perd le temps de faire une vraie pause qui détend le cerveau. » Outre le travail sur la culpabilité, il faut donc apprendre à se cadrer pendant les phases du travail pour avoir le temps ensuite de penser à soi.

« On peut commencer par être le moteur de la pause sympa en entreprise en amenant un thermos de café et des gâteaux ou des fruits », propose Christine Mirabel-Sarron. Un double avantage : Wilfried ne passera plus nous raconter ses exploits d’escaladeur du week-end pendant les phases de travail, et le café permettra de s’aérer le cerveau. On doit aussi revoir la planification de sa to-do-list pour quantifier réellement chaque tâche et le temps nécessaire. « Je conseille de se fixer maximum cinq objectifs par jour : ça peut être aller de voir un client, déposer un recommandé ou aller récupérer sa verste au pressing », décrit la psychiatre. « Il faut être réaliste : prévoir d’écrire quatre rapports et de rencontrer trois clients alors que chacun nécessite 1h de transport et 1h30 d’entretien, ce n’est pas possible ! » acquiesce Catherine Capaldo. Christine Mirabel-Sarron conseille donc de quan-ti-fier !

Faire des choix et être réaliste

« En fonction des objectifs, on peut prévoir un déjeuner avec un copain, puis caler les moments ludiques dans les espaces », encourage-telle. De la détente qui intervient en plus des moments de loisirs « obligatoires ». Car si peu de gens voient le sport comme une obligation, pour la psychiatre c’est le cas : « pour la gestion de stress c’est important d’avoir une activité de loisirs pour le corps (piscine, jogging, pilates…) et une pour la tête (peinture, club photo, conférence de philo…) » encourage-t-elle.

La coach Catherine Capaldo conclut en conseillant surtout d’être réaliste : « une jeune maman n’aura pas forcément une demi-journée pour elle, il ne faut pas rêver ». Mais s’autoriser à prendre du temps, ça peut être dix minutes, et ça passe aussi par prendre de vraies décisions le reste de la journée. « Arrêtons d’accepter une mission en plus à contre-coeur quand on sait que notre planning déborde ! »

Samira Jibril, directrice de l’EHPAD La Table ronde à Provins, groupe ACCPA, lauréat des premiers Awards du bien-être au travail organisés par Bloom at Work, dans la catégorie “Coup de cœur du public”, nous raconte le projet “2h pour soi” : “Nos soignantes sont mobilisées par plage de 12h, dont 2h de pause. J’ai voulu les amener à réfléchir à la manière dont elles utilisaient ce temps. Certaines regardaient la télé en salle de pause, d’autres retournaient chez elles pour lancer une machine ou allaient faire des courses. Tout cela n’était pas vraiment ressourçant. Notre établissement étant situé en centre-ville, nous avons proposé, en juin dernier, d’offrir à celles qui le souhaitaient l’entrée à la piscine pour y aller pendant leur pause. L’opération a connu un tel succès (plus de 35 cartes achetées) que nous la continuons encore aujourd’hui ! Mon message est simple : pour bien travailler, il faut vous accorder du temps pour vous. Encore faut-il se l’autoriser. Se donner ce temps n’est en effet pas facile, nous sommes happées par le quotidien, les contraintes et sollicitations sont multiples, mais c’est indispensable. Faire du sport pendant leur pause n’était pas quelque chose qui faisait partie de leurs habitudes, mais cette initiative a créé une vraie émulation. Personnellement, je suis très sportive, j’adore le running, je participe à des courses, mais je ne savais pas nager. J’ai donc appris à nager pour aller prochainement à la piscine avec elles ! Nous allons aussi acheter deux vélos pour varier les plaisirs. Rien de mieux que de prendre l’air et de faire du sport pour vraiment se détendre. Cette démarche fait partie de nos actions en faveur de la QVT, c’est quelque chose de concret et de tangible qui vient s’ajouter à d’autres initiatives : un bulletin d’information mensuel donnant des clés en matière de bien-être et de santé, des rencontres trimestrielles avec tous les métiers pour que chacun(e) se sente écouté(e), un climat de confiance, des relations bienveillantes…” Propos recueillis par Fabienne Broucaret.

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Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

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