Le désengagement semble être devenu le fléau du travail. Pourtant, il est possible d’agir contre ce sentiment de lassitude. D’abord, via soi-même, puis en considérant ses relations avec les autres et nommant son manager. C’est qu’explique Pierre Fournier, coach, formateur et auteur du livre La Méthode Will.

Quelles sont, selon vous, les raisons du désengagement des salariés ?

Pierre Fournier : Le désengagement est quelque chose de quantifié : selon l’Institut Gallup, en 2022, 86 % des salariés européens se disaient désengagés dans leur travail. Cela pose un problème humain mais aussi économique pour les entreprises, qui subissent les conséquences de démissions massives ou de « quiet quitting ». Mais ce qui résume le mieux le désengagement, c’est cette interrogation : « Si vous n’aviez plus de contraintes financières, continueriez-vous à exercer votre métier ? » Cette question-là, comparée au chiffre de neuf salariés désengagés sur dix, montre que nombreux sont ceux qui, même s’ils ne se l’avouent peut-être pas, travaillent pour percevoir leur salaire. C’est là que commence le désengagement : travailler uniquement pour de l’argent. Cela finira par poser problème. De plus, cet état d’esprit est alimenté par toutes les parties prenantes. Par exemple, souvent, les entreprises misent sur l’argent comme premier levier de motivation pour réengager leurs collaborateurs. Bien sûr, il ne s’agit pas non plus de remettre en cause la volonté de gagner plus. Cependant, il s’agit de s’interroger : pourquoi vouloir gagner davantage ? Est-ce une manière d’avoir de la reconnaissance ? De mesurer sa valeur ? Ou d’être autonome pour, ensuite, financer d’autres projets comme par exemple monter une entreprise ?

Dans l’ouvrage La Méthode Will, vous proposez une autre approche pour favoriser le réengagement des salariés. Sur quoi repose-t-elle ?

Le désengagement n’est pas une fatalité car chacun a des leviers d’action : tant le collaborateur, que le manager ou l’entreprise. C’est pourquoi la Méthode Will propose d’appréhender quatre dimensions dans l’ordre suivant : moi et moi-même, moi et mes collègues, moi et mon management, moi et mon entreprise.

Souvent, les personnes ne savent pas pourquoi elles sont désengagées : elles n’en ont pas conscience. Aussi, il ne sert à rien de commencer à s’attaquer aux problèmes de son entreprise, si on n’a pas, en premier lieu, commencé à s’attaquer à ses propres problèmes. Et de s’interroger à nouveau : est-on aligné entre ce que l’on fait et ce que l’on est ? Au-delà de l’argent, qu’est-ce qui est important ? Une fois que l’on prend conscience de ce qui nous nourrit vraiment, il s’agit d’analyser comment, dans son métier, on s’arrange pour que les tâches quotidiennes viennent enrichir la motivation. Je pense notamment au « succès du jour » : ce dernier pourra nourrir un levier profond. Même si c’est une petite tâche de 30 minutes, elle peut suffire à donner un sens à sa journée. En somme, il s’agit aussi de faire un pas en arrière et d’arrêter d’être dans la course à la productivité, pour prendre le temps de recentrer.

Comment, aussi, appréhender les interactions avec les autres ?

Avec ses collègues, se pose la question de confrontations saines et constructives. Souvent, soit les personnes font l’autruche et évitent d’aborder les problèmes, soit elles ne parviennent pas à parler des choses désagréables. C’est pourquoi, de manière générale, il faut arrêter de vouloir convaincre les autres que sa vision est la meilleure. Il faut se dire que, même si les autres ne sont pas d’accord avec soi, ils ont de bonnes raisons. Ce sont les principes de la CNV, communication non violente.

Dans le cadre d’une relation manager-managé, c’est la transparence qu’il faut privilégier. Souvent, le problème fondamental dans le management, c’est que la hiérarchie crée une énorme dissymétrie entre le collaborateur et son manager. Simplifié à l’extrême, cela conduit à une relation parent-enfant, où le manager contrôle tout et où le collaborateur se sent bridé. Or, les deux peuvent agir pour faire en sorte que cette relation parent-enfant devienne une relation adulte-adulte. Par exemple, le manager peut révéler ses désaccords, ses tabous, ses vulnérabilités. Il créera ainsi les conditions pour que son managé, son collaborateur, le fasse aussi.

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Diplômée en lettres modernes, Céline Tridon a suivi une formation en journalisme à l’IPJ. Elle y a confirmé son envie de travailler pour la presse écrite et web, souhait exaucé à travers la collaboration avec différents supports sur les thématiques « entreprise », « monde du travail », « management » et « RSE ». En 2023, elle reprend la rédaction en chef de My Happy Job.

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