Un mail qui nous agace, un client en retard, un dossier mal ficelé, un ordinateur lent… Les raisons de se plaindre au travail sont infinies ! Mais est-ce vraiment une bonne stratégie ? Pas si sûr. Dans J’arrête de râler au boulot (1), Christine Lewicki, coach d’entreprise, et Emmanuelle Nave, DRH, vous explique pourquoi et comment dire stop aux râleries. Interview.

Pourquoi râle-t-on autant dans notre vie professionnelle ?
Christine Lewicki. Tout d’abord, parce que nous y passons beaucoup de temps. Ensuite, le travail impose des contraintes qui enfreignent notre désir de liberté. Nous avons souvent trop de boulot ou il est parfois ennuyeux. Nous sommes sous le contrôle d’une hiérarchie que nous n’avons pas choisie. Il arrive également d’avoir le sentiment de ne pas être écouté(e) ou reconnu(e). Ces écarts entre nos attentes et la réalité sont sources de râleries. Enfin, ce qui nous fait le plus râler, ce sont bien sûr les autres ! Et au boulot, il y en a plein des autres : collègues, clients, fournisseurs, prestataires, managers… Or, tous n’agissent pas forcément comme nous le souhaiterions.

Si nous râlons aussi souvent, cela doit bien nous servir à quelque chose, non ?
CL.
Oui, râler a plusieurs utilités. Cela crée des liens et fédère, notamment à la machine à café ! Cela nous apporte aussi une décharge d’énergie qui provient d’une frustration et nous permet d’éviter de prendre nos responsabilités. En râlant, on ne passe pas à l’action.

On se contente de montrer du doigt les coupables…
CL. 
En effet ! Cette stratégie, même si les raisons de râler sont valables, est donc rarement efficace pour résoudre les problèmes. Pire : nous sommes les premiers à être les victimes de cette ambiance négative que nous créons. En bougonnant ou en se plaignant, on va susciter l’effet contraire de notre besoin. La personne en face va fuir, attaquer ou se soumettre. Or, dans tous les cas, cela ne marche pas. Au mieux, on va susciter l’obéissance, et non la coopération, seule solution efficace sur le long-terme.

On accuse souvent les autres de (beaucoup) râler, comment reconnaître ses propres râleries ?
CL. Nous avons distingué trois critères majeurs : le ton (vinaigré ou amer), le positionnement (celui de la victime) et la justesse des propos (on exagère ou généralise). En y prêtant attention, vous devriez vous apercevoir que vous râlez plus que ce que vous imaginez ! C’est une habitude ancrée dans notre quotidien. Nous réagissons trop souvent en mode pilotage automatique. Le hic ? Toutes ces petites râleries, qui semblent anodines, nous fatiguent et nous font rester sur la défensive.

Arrêter de râler est donc une clé du bonheur au travail ?
CL. Complètement, j’en suis intimement convaincue. On arrête ainsi de se mettre dans la position de victime, on fait de vrais choix et on adopte une posture constructive. Les relations humaines deviennent plus positives, ce qui est un puissant levier de réussite. Nous détaillons dans le livre quatre clés essentielles :
Faire ce qui vous fait du bien chaque jour. Il ne faut pas tout attendre des autres. Cela peut être marcher dans la nature, lire un bon bouquin aller oser parler un collègue que l’on connaît peu…
Lâcher-prise. Tout ne peut pas être comme on aimerait que ce soit. Nous n’avons pas le contrôle sur certaines choses, pourquoi alors continuer à râler ? Concentrons-nous sur ce qui dépend de nous, sur ce qui est essentiel, sur de vraies conversations, sur ce qui peut vraiment être changé.
Donner du sens à son travail. Même si on n’exerce pas un métier passion, il est possible de nourrir ses valeurs au quotidien.
Etre acteur du changement. Au lieu de râler après ce qui ne va pas, pourquoi ne pas insister sur ce qui va bien ? En réunion, vous pouvez ainsi démarrer par un tour de table où chacun remercie un collègue pour une action précise par exemple. Cela donne une direction positive aux échanges. Vous pouvez aussi décider ce communiquer autrement.

On a tous en tête un collègue particulièrement râleur. Quels sont vos conseils ?
CL. On ne peut pas obliger les autres à changer, seulement les inspirer. Donc le changement commence par vous, votre exemplarité en la matière pourrait être contagieuse. Vous pouvez aussi partager votre expérience : qu’est-ce que cela vous a apporté(e) d’arrêter de râler ? Autre idée : créer un espace non-râleurs dans votre entreprise. Cela peut être votre propre bureau ou une salle de pause. Cela a le mérite d’inciter vos collègues ou votre manager à expérimenter. L’expérience est toujours plus convaincante qu’un discours.

Vous vivez aux Etats-Unis, les Français râlent-ils plus au travail que les Américains ?
CL. En France, nous avons l’habitude de nous affirmer contre quelque chose ou quelqu’un. Aux Etats-Unis, on s’affirme le plus souvent pour une cause ou un mouvement. En entreprise, les Américains essaient toujours de faire bonne figure, ils ne râlent pas en public à la machine à café. Par contre, ils râlent beaucoup intérieurement. La course à la performance y est épuisante.


Dans J’arrête de râler au boulot (1), Christine Lewicki et Emmanuelle Nave vous invitent à relever un challenge : ne pas râler pendant 21 jours. Au fil des pages, vous découvrirez des témoignages, des exercices pratiques et de bons conseils pour y parvenir. Les auteures interviennent également en entreprise via six ateliers d’une heure pour partager leur méthode et former des ambassadeurs en interne. Plus d’infos : www.christinelewicki.com et https://jarretederaler.com/

(1) Eyrolles, 11.90 euros.

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Crédit photo : Unsplash.

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

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