Après Welcome to the Jungle et la Région Ile-de-France, nous continuons notre série d’interviews sur le télétravail et l’après crise avec Pascal Grémiaux, fondateur d’Eurécia, une PME toulousaine de 80 salariés. Sa conviction ? Le travail à distance à 100% priverait l’entreprise de son bien le plus précieux : la qualité et la richesse des relations humaines.

Où en étiez-vous chez Eurécia au niveau du télétravail avant le confinement ?
Pascal Grémiaux. J’ai démarré l’entreprise en travaillant de chez moi il y a bientôt 15 ans ! Pour la petite histoire, j’ai travaillé dans mon garage avec mes trois premiers salariés. Nous avons ensuite eu des locaux : la pratique du télétravail se développe chez nous depuis environ 5 ans. Cela a d’abord été de manière informelle, nous laissions cela à la libre appréciation des managers et des collaborateurs, dans la limite d’un jour par semaine. Etant en forte croissance avec désormais 80 salariés, nous avons dû formaliser les choses pour garantir une équité entre tous. Nous avons ainsi créé une charte du travail en 2019 pour fixer les règles et apporter un cadre commun, en collaboration avec le CSE. Le nombre de télétravailleurs a fortement augmenté depuis la mise en place de cette charte, l’autorisation de travailler de chez soi étant maintenant officielle. Chaque manager peut bloquer un jour pour que tous les membres de son équipe soient présents en même temps au bureau. Les demandes peuvent se faire à distance via notre logiciel RH. Et nous sommes restés sur la base d’un jour de télétravail maximum par semaine.

Qu’a changé la période de confinement ?
P.G. Nous nous sommes retrouvés en télétravail à temps plein de manière contrainte et forcée. Tous nos collaborateurs étaient déjà équipés d’ordinateurs portables et de tous les outils techniques nécessaires pour bien travailler à distance ce qui a grandement facilité les choses malgré la sidération des débuts. Chaque manager a pris le temps d’avoir régulièrement des moments de discussion avec les membres de son équipe. J’ai moi-même communiqué tous les vendredis : une prise de parole de 15 minutes pour expliquer où l’entreprise en était, comment nous vivions les choses de manière transparente. Cela a été apprécié et a beaucoup rassuré. Le plus important a vraiment été de garder le lien avec tous les salariés pendant tout le confinement. C’est quand on ressent ce manque que l’on se rend vraiment compte que c’est ce qu’il y a de plus précieux ! C’est notamment pour cela que je suis septique face aux annonces des entreprises annonçant une généralisation massive du télétravail à temps plein. Selon moi, ce n’est pas la solution !

Pourquoi ?
P.G. Je pense qu’il faut trouver un juste équilibre. Nous avons besoin de temps ensemble physiquement pour entretenir la motivation et créer une vraie émulation au sein de l’entreprise. Le télétravail apporte une vraie souplesse dans l’organisation des temps de vie, mais peut aussi engendrer de la solitude, une hausse des risques psycho-sociaux (RPS) et des blocages quand il est pratiqué à temps plein. Et puis la vie d’une équipe, ce n’est pas que le travail, il y a aussi tous les temps conviviaux, informels, les échanges à la machine à café… Le temps de transport représente également un SAS de décompression, on se vide la tête avant de rentrer chez soi ou d’aller au bureau, et cela évite le blurring, l’effacement de la frontière entre vie pro et vie perso. La question pour l’après-crise sera donc de trouver le bon dosage entre la présence au bureau et le télétravail.

Quelle est la clé pour trouver la bonne équation ?
P.G. Je pense que c’est la maturité managériale. Le confinement a eu le mérite de faire éclater les fausses croyances sur le télétravail et de faire tomber les résistances. C’est la qualité des relations et la confiance réciproque qui fera la différence. L’authenticité et la sincérité au travail sont plus importantes que jamais en présentiel comme à distance. Apprendre à mieux communiquer, faire preuve d’assertivité, se former à la communication non-violente… La poste du manager est essentielle.

Est-ce que cette crise vous aura apporté du positif ?
P.G. On a su s’adapter et réagir au lieu de subir. A l’initiative de salariés, nous avons proposé notre logiciel RH gratuitement. Des projets ont ainsi été gérés en équipe à distance. Le service communication-marketing a envoyé une box festive à tous les collaborateurs avec des messages sympas, des cartes à gratter, des bonbons… Cette attention a fait énormément plaisir. La crise est aussi un catalyseur de changements et un accélérateur de transformations : s’il n’y aura pas de révolution chez nous, cela va tout de même nous inciter à réfléchir au nombre de jours en télétravail par semaine et à l’usage de nos bureaux. Etant en pleine construction de notre campus, nous voulons vraiment en faire un lieu de vie où l’on vient pour échanger et partager, pas pour travailler en solo chacun derrière son ordinateur !

Comment se passe le retour au bureau dans votre entreprise ?
P.G. Il est très progressif. Le télétravail reste la norme pour le moment, mais les locaux sont ouverts pour les salariés souhaitant y revenir. Je suis moi-même revenu au bureau et on sent la joie de se retrouver, un peu comme les enfants après les vacances d’été. La rentrée a du bon !

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

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