Jusqu’à la crise du Covid19, le télétravail se développait lentement, malgré des bénéfices objectifs, à cause des difficultés perçues dans sa mise en œuvre, réelles ou imaginées tout autant que d’a priori sur la relation managériale. Le confinement a contraint des millions de managers et salariés au télétravail pendant près de 2 mois. Cette « expérience forcée » a permis de prendre conscience que « c’était possible », que les difficultés n’étaient pas insurmontables et souvent imaginaires. Elle devrait conduire à une nette accélération du télétravail, comme l’illustre la décision de PSA de généraliser le télétravail pour toutes les fonctions support. Cette révolution du travail nécessite d’élargir au plus vite le champ largement investi ces dernières années de la QVT pour construire une QV2T ou « Qualité de Vie en TéléTravail ».   

Il serait vain d’établir une liste exhaustive de bonnes pratiques pour le management à distance. Ce serait ignorer notre nature humaine : il ne suffit pas de savoir pour faire… La plupart du temps, si nous n’adoptons pas des « bonnes pratiques », c’est pour 4 raisons principales, qui constituent autant d’axes de travail nécessaires pour développer la QV2T.

1 – Le stress et ses effets sur la capacité d’adaptation : quand nous sommes stressés, nous ne parvenons pas à aborder une situation avec le recul suffisant – or le télétravail amplifie ce risque avec un sentiment de perte de contrôle. Le stress lié à une dead line peut ainsi amener un manager à faire des reproches infondés, sans avoir pris la mesure des causes réelles du retard… et par voie de conséquence, démobiliser et décourager son équipe, et contribuer lui-même, sans le vouloir, à aggraver le retard…

Pour piloter son équipe à distance, nous sommes convaincus que les managers doivent plus que jamais développer leur intelligence adaptative, qui leur permet non seulement de faire face avec une lucidité sereine aux problèmes, mais aussi d’être innovants pour imaginer des solutions « intimement adaptées », plus pertinentes que l’application mécanique d’une recette managériale.

2 – La communication pour une gestion fluide de la relation : plus que jamais en situation de management à distance, un manager doit devenir un « champion » de la communication.  Il est souvent difficile de repérer un impair de communication commis à distance, et donc de réagir de façon adéquate pour rétablir, dès que possible, le dialogue et la confiance. Si un manager heurte involontairement un collaborateur et ne s’en aperçoit pas rapidement, ce dernier risque de lui en vouloir, ce qui aboutit à une perte de confiance et d’engagement.

Pour manager à distance, nous pensons que les managers doivent développer leur « intelligence relationnelle » en décryptant certains signaux faibles (énervement, anxiété ou découragement) via les canaux de la relation à distance (tonalité des mails, voix, posture lors des visioconférences). Il existe, en effet, des outils permettant de repérer et d’apaiser le stress de son interlocuteur, de favoriser l’ouverture d’esprit d’un collaborateur rigide, ou encore, de cadrer celui qui se positionne en rapport de force, sans pour autant nuire à la relation…

3 – Le maintien de la motivation : le manager d’une équipe en télétravail doit développer une acuité particulière dans la détection des motivations profondes et durables de ses collaborateurs, moteurs d’engagement dans l’action, bien plus puissants que le bâton et la carotte ! Pour que les collaborateurs s’engagent avec détermination et sereinement dans leur mission, il faut s’assurer qu’elle fait sens par rapport à leurs motivations qu’il doit identifier.

Le manager d’une équipe en télétravail doit donc aussi développer son « intelligence motivationnelle » : quelles sont les motivations intrinsèques, sources d’engagement pérenne des membres de son équipe, et comment les « injecter » dans les missions ? Quelles sont leurs motivations extrinsèques, qui ont besoin de la carotte (le bâton est à réserver aux rares attitudes antisociales), et comment les encourager ? Quels sont les risques de « surinvestissement émotionnel » pouvant conduire à l’épuisement et au burnout, et comment les gérer ?

4 – L’écologie du système de travail : les dysfonctionnements de l’organisation peuvent avoir un impact fort sur la Qualité de Vie en TéléTravail. Il y a bien sûr la charge de travail qu’il faut pouvoir évaluer. Les soignants nous ont fait une brillante démonstration de leur capacité de faire face à une affluence sans précédent de patients aux urgences, sans augmentation d’effectifs. On peut retenir deux enseignements de ce qui a fait le succès de la stratégie d’adaptation des hôpitaux : le premier, c’est d’avoir su temporiser toutes les interventions non urgentes pour se concentrer sur le Covid19 ; le second, c’est d’avoir assuré une supervision de l’engagement pour détecter les risques d’épuisement et soutenir les équipes.

Les managers doivent enfin développer une intelligence organisationnelle, pour faire en sorte que le travail prescrit soit humainement soutenable. La « biosystémique » est une approche de l’organisation qui repose sur l’application de principes, empreints de bon sens mais souvent involontairement bafoués car subtils à mettre en œuvre. Cette approche permet notamment de gérer la délégation sans déposséder le délégataire de son pouvoir de décision. Ceci est d’autant plus important dans le cadre du télétravail car le collaborateur a besoin d’un cahier des charges clair et précis et qui fait sens, avec moins d’occasions d’interactions régulières qu’en environnement de bureau.

Des managers étoilés pour la QV2T

La QV2T esquissée ici va devoir être de plus en plus intégrée aux politiques de QVT. L’impact du télétravail, comme celui du numérique en général, conduira les managers à se décentrer de la gestion des tâches et projets, pour consacrer l’essentiel de leur énergie à la gestion de l’humain. Dans un environnement de plus en plus complexe et incertain, les « recettes de cuisine managériale », pourtant encore très prisées, appartiennent au passé. Dans le monde d’après, les managers vont devoir se transformer en « chefs étoilés » pour inventer, en s’appuyant sur leurs capacités d’intelligence adaptative, relationnelle, motivationnelle et organisationnelle, des fonctionnements d’entreprises agiles et pérennes.

Envie d’aller plus loin ? Jean-Louis Prata et Christophe Padiou vous proposent un webinar le 7 juillet de 14h30 à 15h15. Inscriptions : https://webikeo.fr/webinar/la-qv2t-ou-la-qualite-de-vie-en-teletravail-2

Cet article est extrait de notre hors-série sur les leçons de la crise. Pour le télécharger gratuitement : https://www.myhappyjob.fr/hors-serie/

Au sommaire : Télétravail, management à distance, quête de sens, prévention des RPS et burn-out… Ces huit semaines de confinement nous ont beaucoup appris individuellement et collectivement. Quels enseignements peut-on déjà en tirer ? Comment se réinventer ?

Vous y trouverez des conseils, des tendances, des pistes de réflexions et d’actions, mais aussi des partages d’expériences.

 

Pour ne rater aucune actualité en matière de qualité de vie au travail, inscrivez-vous à la newsletter de My Happy Job, parcourez nos hors-séries thématiques  et découvrez notre annuaire du bien-être au travail.

A lire aussi :
Ces remarques que l’on aimerait ne plus entendre sur le télétravail
“Le télétravail à temps plein n’est pas la solution !”
85% des salariés français veulent conserver la possibilité de faire du télétravail

 

Article précédentCrise du Covid-19 : 3 questions que les entreprises ne pourront pas éluder
Article suivantOsez la curiosité ! Gagnez en agilité
Christophe Padiou est le directeur du pôle Qualité de vie au travail et Jean-Louis Prata le directeur de l’innovation de l’Institute of Neurocognitivism.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici