Alors que le recrutement se tend dans de nombreux secteurs, les entreprises sont de moins en moins rĆ©ticentes Ć voir revernir un de leur ancien collaborateur. Au contraire ! Ce phĆ©nomĆØne, dit Ā« de boomerang Ā», aurait mĆŖme des points positifs, tant pour l’entreprise que pour le salariĆ© en mouvement.
Quitter une entreprise, pour la retrouver quelques mois ou annĆ©es plus tardĀ : ce phĆ©nomĆØne de salariĆ©s boomerang a longtemps Ć©tĆ© un tabou, voire un interdit en France. LoyautĆ© oblige. Aujourd’hui, Ā« les mentalitĆ©s Ć©voluent Ā» constate Marina PrĆ©veaux, consultante en recrutement Ć Paris. Ā« On constate clairement une Ć©volution : avant, quand on proposait un ancien salariĆ© Ć une entreprise, Ć 70% elles Ć©taient contre. Aujourd’hui, la proportion s’inverse et 70% des employeurs sont ouverts Ć rƩƩtudier le profil de leur ancien collaborateur Ā», explique-t-elle.
Une pratique de recrutement de plus en plus courante
D’aprĆØs une Ć©tude menĆ©e par UKG, 65 % des collaborateurs franƧais ayant dĆ©missionnĆ© expriment une volontĆ© de revenir chez leur ancien employeur si la proposition leur Ć©tait faite. A noter que, selon cette enquĆŖte rĆ©alisĆ©e en 2022, les managers sont davantage concernĆ© par ce phĆ©nomĆØne de boomerang. Avec le Covid et le marchĆ© qui s’est grandement tendu dans le recrutement, cet effet boomerang aurait tendance Ć devenir une piste de plus en plus utilisĆ© par les recruteurs. Ā« Cela raccourcit le processus d’intĆ©gration et facilite l’intĆ©gration car la personne connait la culture, les mĆ©thodes, les enjeux politiques, et revient avec de nouvelles compĆ©tences Ā», encourage Marina PrĆ©veaux. Ā« Aujourd’hui les salariĆ©s ont des parcours moins linĆ©aires Ā», rappelle-t-elle. Ā« Ils ont des parcours plus exploratoires et les entreprises commencent Ć en prendre conscience Ā», ajoute-elle.
Ā« Certaines entreprises cultivent mĆŖme leur rĆ©seau d’anciens, en dĆ©veloppant des Ć©vĆ©nements pour ces alumnis, comme les Ć©coles, afin de garder le lien Ā», renchĆ©rit NoĆ©mie Cicurel, directrice formation et recrutement chez Robert Half France. Elle constate le phĆ©nomĆØne depuis Ā« une petite dizaine d’annĆ©es Ā», dans tous les secteurs. Ā« Il y a un vrai mouvement de fond, mais la raison du dĆ©part conditionne la possibilitĆ© de retour Ā», avertit-elle en prĆ©ambule.
Ā« Si on n’avait pas dāatome crochu avec son manager, si on avait le sentiment d’avoir fait le tour de son poste, ou des prĆ©tentions salariales non atteignables en l’Ć©tat actuelle des choses… Ce sont des raisons, liĆ©es Ć une conjoncture, qui peuvent ĆŖtre entendables. Tant que la culture d’entreprise et le mĆ©tier ne sont pas en cause, le retour reste possible Ā», croit-elle, dĆ©fendant mĆŖme plusieurs avantages cĆ“tĆ© employeur. Ā« La formation va plus vite, mĆŖme s’il y a une rĆ©adaptation Ć faire ; le salariĆ© va performer plus rapidement ; et il va mĆŖme apporter un recul, un esprit critique sur l’entreprise que n’ont pas forcĆ©ment les nouveaux venus extĆ©rieurs Ā», apprĆ©cie-t-elle. Robert Half a ainsi rĆ©accueilli quatre anciens salariĆ©s ces 24 derniers mois.
Le tƩmoignage de salariƩs boomerang
Parmi eux, Modesty Blanchon est ravie de son retour. Consultante en recrutement, elle a quittĆ© le cabinet aprĆØs un an et demi de CDI Ā« avec l’impression d’avoir fait le tour de son poste Ā» et Ā« une vision diffĆ©rente Ā» avec son manager. Huit ans plus tard, elle y est revenue, en juin dernier. Ā« Entre temps, j’ai crƩƩ mon activitĆ©, en tant qu’entrepreneuse et posĆ© les bases de ce que je souhaitais dans ma vie Ā». Un esprit d’Ć©quipe, des horaires mieux cadrĆ©s et un meilleur Ć©quilibre de vie pro et perso en faisaient partie et Modesty a dĆ©cidĆ© de retrouver le salariat. Quand elle a vu passer l’annonce, elle n’a pas hĆ©sitĆ©. Ā« Je me suis dit que les conditions pouvaient avoir changĆ©, et j’ai en effetĀ rencontrĆ© un manager avec qui l’on partage la mĆŖme vision Ā», apprĆ©cie-t-elle.
Ā« DĆ©sormais je savoure de pouvoir travailler avec la vision, l’Ć©quipe, le management et les outils Ā» nĆ©cessaires Ć mon mĆ©tier. Pour ses collĆØgues, son retour Ā« bien expliquĆ© Ā» a Ć©tĆ© naturel. Ā« On reste humain avant tout Ā», justifie NoĆ©mie Cicurel, Ā« on comprend qu’il peut y avoir inadĆ©quation avec un collĆØgue ou un manager, ou que quelqu’un puisse avoir envie d’une autre expĆ©rience ou d’une Ć©volution qui n’est pas possible en interne Ć ce moment-lĆ Ā», assure-t-elle.
Anne Delrue a Ć©galement quittĆ© son entreprise avant d’y revenir. AprĆØs un an et demi en tant que recruteur junior, Ć cause d’une Ā« lassitude sur ses missions de sourcing Ā» elle a prĆ©fĆ©rĆ© rejoindre une entreprise sociale numĆ©rique, puis un concurrent de son ancienne sociĆ©tĆ©, avant d’y revenir. Ā« J’Ć©tais peut-ĆŖtre jeune et immature Ā», sourie-t-elle. AprĆØs seulement six mois, et deux entreprises testĆ©es, elle est revenue Ć la case dĆ©part. Ā« Il ne m’a pas fallu longtemps pour rĆ©aliser que les maniĆØres de travailler et l’ambiance de Solantis me plaisaient davantage Ā», raconte-t-elle.
Partie depuis peu, le retour s’est fait trĆØs rapidement, mais lui a nĆ©anmoins permis un Ā« gap salarial de 5K Ā». Ā« L’avancĆ©e aurait surement Ć©tĆ© moins rapide si j’Ć©tais restĆ©e Ā», reconnait-elle. Ā« Ce n’Ć©tait pas un choix par dĆ©faut, c’est juste qu’en Ć©tant en entreprise, on oublie de voir les bons cĆ“tĆ©s. Je suis d’une gĆ©nĆ©ration où l’on sait que l’on ne restera pas dans la mĆŖme entreprise toute sa vie, mais le fait d’avoir vu ailleurs m’a permis de rĆ©aliser ce que j’apprĆ©cie ici, notamment l’Ć©coute, et les formations pour progresser Ā», analyse-t-elle.
« A partir du moment où les raisons de partir Ć©taient bonnes, et où le salariĆ© ne revient pas exactement dans les mĆŖmes conditions, il n’y a pas de raison pour que la prise de poste se passe malĀ Ā», encourage NoĆ©mie Cicurel. Le pas de cĆ“tĆ© peut faire du bien, tant au salariĆ© qu’Ć l’entreprise qui le retrouve plus mur, plus motivĆ©, plus critique, plus performant et souvent plus attachĆ© Ć la sociĆ©tĆ©, aussi.
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