A l’occasion de la deuxième édition de Pep’Sports, qui se déroulera le 27 septembre prochain à Paris, Julien Pierre, responsable de la programmation, maître de conférences à l’université de Strasbourg et auteur de l’ouvrage Le sport en entreprise : Enjeux de société, nous dresse un panorama de la pratique sportive au travail (1). Interview.

Où en est le sport en entreprise aujourd’hui en France ?
Julien Pierre. Il faut tout d’abord rappeler que le sport en entreprise n’a rien de nouveau. Ce n’est pas une invention du XXIe siècle, mais du milieu du XIXe siècle. On a connu un second souffle dans les années 80, où la pratique de sports comme le rafting était synonyme de courage en entreprise. Et on constate depuis trois/quatre ans un écho plus important dans l’opinion publique et les médias. La pratique du sport en entreprise a rarement suscité un enthousiasme aussi marqué. Pourtant, il existe un vrai décalage entre l’éclairage médiatique et le taux de pratiquants assidus. En France, le sport au travail, on en parle davantage qu’on ne le pratique ! L’intérêt grandissant est mis à mal par la réalité du terrain.

Combien de salariés s’y adonnent ?
J.P. Les enquêtes montrent que seulement 10 à 15% en moyenne des salariés s’y adonnent régulièrement. Ils sont environ 1,3 million en France dont une partie se défoule dans quelque 8 000 clubs d’entreprise, tandis que les autres s’auto-organisent. Comparés aux 15,6 millions de licenciés sportifs de la société civile, on réalise l’immensité du décalage. Ou plutôt du potentiel de développement ! Car si les employeurs se soucient de plus en plus, du moins en apparence, de la santé de leurs salariés, l’avènement d’une offre sportive structurée au travail reste trop souvent l’apanage des grandes sociétés du secteur tertiaire implantées dans les métropoles. Les petites entreprises, collectivités et autres administrations sont les parents pauvres du sport au travail.

Pour quelles raisons ?
J.P. Les principales raisons invoquées, outre le sempiternel « manque de temps », sont simples : offre inadaptée, manque d’infrastructures (type vestiaires et douches) et difficultés d’organisations internes (horaires, réunions, déplacements…). Il y a également une résistance culturelle au niveau du monde du travail : une portion non négligeable de salariés ne veulent pas mélanger vie professionnelle et loisirs. C’est encore aujourd’hui un vrai frein. Ajoutons enfin un besoin de sensibilisation accru : la plupart des acteurs de l’entreprise sont encore trop rarement convaincus des effets bénéfiques du sport.

Quels sont justement les bienfaits du sport en entreprise ?
J.P. C’est d’abord un des meilleurs antidotes au stress ! Il génère a priori, cela a été démontré par l’OMS, une cascade d’effets bénéfiques sur la santé physique, mentale et sociale des salariés. Il agit aussi, nous l’avons constaté, sur l’intégration et la cohésion des équipes. Des personnes qui ne se seraient jamais rencontrées autrement en interne se retrouvent grâce à des affinités sportives, cela fluidifie la circulation de l’information en densifiant les réseaux de communication. Il permet aussi de créer des communautés alternatives de travail. Parfois, il exerce même une véritable fonction de régulation, permettant de désamorcer ou de résorber des conflits latents. C’est aussi indéniablement un outil RH efficace en termes d’attraction et de fidélisation des salariés. Il a un effet positif sur la marque employeur, surtout pour les jeunes générations. Bref, l’activité physique au travail est un bon moyen de jouer sur l’ambiance générale et donc sur la motivation de tous.

Comment réussir à toucher les salariés éloignés du sport ?
J.P. En rendant élastique la définition du mot “sport”. L’expression “activité physique” est plus accessible et consensuelle. Pour toucher la population la plus large possible, il faut proposer une palette étendue de disciplines : du wellness, du vélo, de la marche… On peut aussi proposer des swiss balls ou des échauffements avant la prise de poste.

Comment promouvoir efficacement la pratique sportive quand on a un budget restreint ?
J.P. La base, c’est l’aménagement : des temps et des espaces. Il semble facile de proscrire les réunions entre 12h et 14h, d’aménager (ponctuellement ou pas) une salle de réunion et se doter de quelques équipements modestes (douches/vestiaires). On peut également encourager la dépense physique en créant des challenges ludiques (par exemple en se servant des escaliers au lieu de l’ascenseur), en repérant, puis en formant et en accompagnant les sportifs les plus motivés car ce sont eux les véritables chevilles ouvrières du sport en entreprise. Ces ambassadeurs sont des relais indispensables. La mutualisation entre PME, par exemple pour partager un coach, est une autre piste pour réduire les frais.

Et demain ?
J.P. L’avenir du sport en entreprise sera, demain, inextricablement lié à la santé, et notamment à la santé connectée. Prendre le virage de la digitalisation et l’associer à la pratique sportive : voilà un vrai challenge pour les dirigeants qui veulent faire bouger leur entreprise !

Le saviez-vous ? Depuis 2012, les Trophées Sport Responsable, organisés par Generali, récompensent les initiatives les plus exemplaires parmi les structures sportives qui obtiennent le Label Sport responsable sur l’année en cours. Il existe six catégories, qui correspondent aux six points de la Charte : rendre la pratique accessible au plus grand nombre, encourager une meilleure reconnaissance de la pratique féminine du sport, sensibiliser les pratiquants aux bons réflexes santé et sécurité, adopter des pratiques écoresponsables, faciliter l’insertion et la reconversion de nos sportifs et promouvoir l’esprit sportif. Nouveauté 2017 : une “Entreprise en forme” sera récompensée pour la mise en place de dispositifs permettant la pratique d’une activité physique et sportive par ses collaborateurs. Vous avez jusqu’au 30 septembre pour vous lancer dans la compétition, à vous de jouer ! Les lauréats seront annoncés le 14 décembre lors d’une cérémonie. Plus d’infos : www.sport-responsable.com

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(1) Economica, 2015. Plus d’infos : www.pepsport.fr et www.sport-entreprise.com

Crédit photo : Pexels.

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

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