Ras-le-bol du stress, du métro-boulot-dodo, du coût élevé de la vie, et notamment des logements, du temps de transport, de la pollution, du manque de nature… La capitale fait fuir nombre de ses anciens adeptes. Des salariés, mais aussi des entreprises. Témoignages.

Ces dix dernières années, c’est une rengaine qui revient souvent dans les discussions entre amis. Quitter Paris ? Beaucoup en rêvent ! 84% des cadres franciliens souhaitent ainsi quitter la région parisienne pour s’installer ailleurs en France (Etude Cadremploi 2018). Chaque année, les chiffres confirment la tendance : l’herbe paraît plus verte ailleurs, et de plus en plus de Parisiens franchissent le pas.

Pour Noémie Nicod, l’une des fondatrices de Moneway, une néobanque avec services de paiements innovants, Paris n’était même pas une option. Après ses études en alternance, qui lui promettaient un emploi dans une start up affiliée à la SNCF près de la gare de Lyon, elle renonce à ce contrat pour créer Moneway à Villers-le-Lac, en Franche-Comté, région d’où sont originaires les trois fondateurs qui se connaissent depuis le lycée. « Je vivais à 5 minutes de mon travail à Paris, mais faire une demi-heure de métro pour aller courir, non merci, je ne pouvais pas vivre comme ça », illustre-elle.

« Paris est trop fatiguante ! », résume Noémie Nicod qui « monte » néanmoins à Paris une fois par semaine pour rencontrer des investisseurs et profite des grands locaux de sa start-up (et de leurs environs) le reste du temps. Et pour recruter ? « Cela n’a pas été un problème », assure-t-elle. « On a pensé aux contreparties : des missions variées, 50% de télétravail possible et un appartement mis à disposition des salariés venus d’ailleurs pour 100 euros par mois, en plus de leur frais de déplacement remboursés. » Des avantages qui ont permis de recruter des talents « compétents et de tout âge », assure la jeune dirigeante. Dans l’équipe de 17 personnes, 5 sont originaires de Franche-Comté, les autres ont été attirés par la campagne, après souvent des années passées en ville.

Quand on arrive à saturation…

Pour Telma, professeure d’Espagnol, c’est aussi l’attrait de la campagne qui l’a motivée à quitter Paris, avec son compagnon, danseur, pour la région bordelaise. « Je faisais une heure de route pour aller au travail et mettais souvent en plus chaque soir une demi-heure pour trouver une place de stationnement. Je n’en pouvais plus de l’univers bétonné, j’avais une saturation de gris », reconnaît-elle. Le choix de Bordeaux s’est fait un peu « par hasard ». « On aime le surf, la nature, et on visait l’ouest », explique-t-elle. Mais les prix de l’immobilier et l’ambiance ne les convainquent pas tout à fait et le couple visite la région avant d’opter pour une déménagement plus en campagne. « Quand on vient de Paris, on a tendance à ne regarder que les villes, alors qu’il y a des régions autour » encourage-t-elle.

« J’ai de la chance d’avoir un métier qui me passionne et d’avoir pu continuer, dans un cadre de vie beaucoup plus confortable aujourd’hui », se félicite-elle. Selon une étude de Cadremploi, publiée l’été dernier, plus de la moitié des cadres se dirigent, comme elle, plutôt vers l’ouest, Bordeaux et Nantes en tête. Lyon occupe la troisième place du podium.

Des bureaux spacieux… que l’on rejoint à vélo !

Nantes a notamment attiré l’entreprise Faguo. Le créateur français de chaussures et vêtements, engagé depuis ses débuts en 2009 à compenser l’intégralité de sa production de CO2, a souhaité quitter Paris pour rejoindre une ville « plus en adéquation avec les valeurs défendues par la marque ». « Nous n’en avions pas marre de Paris, mais les fondateurs ont voulu se rapprocher de la campagne, de la mer, faire bénéficier aux collaborateurs de locaux plus grands, d’un autre confort de vie », détaille Romain Tesseidre, le responsable communication de Faguo. Parmi les 20 collaborateurs de l’époque (au siège), seuls deux n’ont pas suivi.

Aujourd’hui, ils sont 25 à travailler dans un immeuble de l’île de Nantes. « Spacieux, lumineux, proche du centre-ville ». Romain Tesseidre se fait agent immobilier pour le décrire ! « Je suis Parisien et j’ai toujours vécu à Paris, mais aujourd’hui, je me déplace à vélo et en 5 minutes je suis au travail, et je peux rejoindre facilement Paris en train pour le business ou les weekend. J’ai le même travail mais j’ai l’impression que la vie est plus douce. Mes collègues jeunes parents peuvent récupérer leurs enfants à l’école et vivre dans des appartements plus grands… Y’a pas photo ! » résume-t-il.

C’est aussi pour élever ses enfants que Gwendoline Gautier, avocate, a fait le choix de quitter Paris. « Je ne suis pas Parisienne et je savais que je ne voudrais pas avoir d’enfant à Paris, alors que j’ai adoré y vivre », commence-t-elle. Après la naissance de son fils, en six mois, le départ était programmé. Pour Nantes également. Son compagnon a été muté et le déménagement a donc été facile même si pour elle le transfert de barreau prend du temps, et que son activité et ses clients restent pour l’instant à Paris. « Je peux travailler facilement de Nantes sur mes dossiers donc cela ne pose pas de problème, mais je fais des allers-retours très réguliers à Paris car les audiences ont été fixées il y a un an, époque où j’étais encore à Paris. »

Une vie plus « raisonnable »

Ses craintes de perdre des opportunités professionnelles intéressantes en quittant la capitale ont vite été balayées. « Il y a des affaires partout, et moins d’avocats ici qu’à Paris », analyse-t-elle. Les ténors ne viennent pas tous de Paris, et les relations de concurrence sont moins fortes en province, ce qui permet parfois de parler plus facilement avec des confrères. L’avocate apprécie cette nouvelle vie. « On commence plus tôt le matin, mais à 19h tout le monde est parti du bureau. A Paris c’était impossible et les blagues récurrentes sur « t’as pris ton après-midi » quand tu pars à 18h, je n’en pouvais plus ! » raconte-elle. « Cela correspond plus à une vie avec un enfant, mais permet aussi d’avoir une vie sociale ou familiale en soirée, c’est génial », encourage-t-elle. « Nantes nous permet de garder le côté citadin que l’on aime, mais sans être oppressés par le monde partout et tout le temps, c’est une vie beaucoup plus raisonnable », résume-t-elle.

Les blogs et cabinets pour accompagner ces mutations se multiplient en parallèle. Paris je te quitte a été un des pionniers. Désormais des leaders du marché suivent. Le cabinet Walters People, spécialiste du recrutement intérimaire, vient par exemple d’annoncer l’ouverture d’un bureau à Nantes, après Paris, Lyon et Saint-Quentin-en-Yvelines. « Le Grand Ouest était jusqu’à présent adressé depuis notre bureau parisien. Alors que nous étions fréquemment mandatés par nos clients qui disposent d’implantations dans l’Ouest, il devenait indispensable d’ouvrir une antenne à Nantes afin de nous rapprocher de ces acteurs et des candidats basés dans la région », affirme Hippolyte Fournier, manager du bureau nantais de Walters People. En 2019, soit un an après son arrivée,  47 % des candidats recrutés par Rober Walters à Nantes occupaient précédemment un poste en Ile-de-France.

Envie de vous lancer ? Lisez donc le livre J’arrête de vivre à Paris ! (Eyrolles) de Muriel Ighmouracène qui a elle-même quitté la capitale pour Bordeaux en 2018. Un programme en 21 semaines pour vous vous aider à passer le cap sereinement.

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Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

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