De nombreuses études montrent que la reconnaissance est le principal facteur d’engagement au travail. Or, les salariés estiment souvent ne pas être reconnus à leur juste valeur. Comment faire bouger les lignes ? Professeur de management au Canada et expert-conseil au cabinet Empreinte Humaine, co-auteur du livre “Le pouvoir de la reconnaissance au travail” (1), Jean-Pierre Brun nous apporte des réponses concrètes.

Comment définissez-vous la reconnaissance ?
Jean-Pierre Brun. Cette notion recouvre deux dimensions. D’abord, la gratitude. Dire bonjour, merci, bravo… Tout cela représente une partie de la reconnaissance au quotidien. Ensuite, la considération. On est un cran au-dessus de la politesse. Concrètement, c’est faire participer les collaborateurs aux prises de décision, bien les informer, leur donner les bons outils de travail… Cela demande de s’intéresser aux gens et à leur travail de manière régulière et répétée. C’est d’abord un devoir humain, mais aussi un devoir de management.

Il existe plusieurs formes de reconnaissance…
JPB. Oui, nous en détaillons quatre dans le livre : la reconnaissance existentielle (on s’intéresse à la personne, à ses qualités, à ses aptitudes), la reconnaissance de la pratique de travail (qualité du travail effectué), la reconnaissance de l’investissement dans le travail effectué (l’effort) et la reconnaissance des résultats (par rapport aux objectifs stratégiques de l’entreprise).

Pourquoi est-ce si important de favoriser la reconnaissance au travail ?
JPB. L’intensification du travail entraîne des exigences croissantes, des délais toujours plus serrés, des ressources plus rares.. Les gens ressentent donc un déséquilibre entre leur contribution (l’impression qu’on leur en demande toujours plus) et la rétribution qu’ils en tirent. Cette rétribution ne peut pas être seulement financière. Une prime va satisfaire quelques mois, mais cela ne sera pas durable. Les gens sont en quête d’une reconnaissance informelle, plus symbolique, qui s’ancre dans le quotidien. Concrètement, un manque important de reconnaissance entraîne une hausse de l’absentéisme. A l’inverse, la reconnaissance est une source indéniable de performance. Si l’entreprise me reconnaît, c’est qu’elle tient à moi, donc je suis plus enclin à m’engager pour elle. Nous vivons également dans un monde où tout le monde a envie d’être reconnu, c’est une attente sociologique surtout pour les personnes qui placent le travail au centre de leur vie.

Quels sont les freins à la reconnaissance ?
JPB. Les plus cités sont le manque de temps, la crainte d’ouvrir la boîte de Pandore, la peur de ne pas être équitable ou encore la difficulté à interagir avec autrui.

Vous conseillez dans votre livre aux managers de demander à leurs collaborateurs comment ils veulent être reconnus…
JBP. Oui, car on peut le deviner, mais on peut aussi se tromper ! C’est une question que je pose, par exemple, en entretien. Cela peut dérouter, mais les réponses sont souvent très intéressantes. Une étude au Canada a ainsi montré que les salariés voulaient de bons outils de travail, un management proximité et que l’on connaisse vraiment leur métier. Il est important de former les managers à la reconnaissance, et de sensibiliser tous les collaborateurs.

Les jeunes générations demandent-elles à être reconnues d’une manière particulière ?
JPB. Elles accordent une plus grande importance à la reconnaissance par leurs pairs. Elles aspirent aussi davantage à une reconnaissance collective, pas seulement individuelle. Ensuite, elles demandent une reconnaissance en continu. Le temps où l’on attendait l’entretien annuel pour avoir des feedbacks est fini ! Nous sommes dans l’ère de l’instantanéité, comme sur les réseaux sociaux avec les likes immédiats.

Que faire si j’estime manquer de reconnaissance ?
JPB. En parler ! Cela entraîne un manque de motivation qui devrait interpeller les managers. Il ne faut pas l’exprimer de manière critique mais expliquer pourquoi vous en avez besoin et comment vous souhaiteriez être reconnu(e). Vous pouvez aussi vous auto-reconnaître ! C’est important de ne pas tout attendre des autres.

Quels seraient vos conseils pour favoriser la reconnaissance au quotidien ?
JPB. Donner une réponse rapide aux demandes des salariés. Je ne dis pas d’apporter des solutions immédiates, mais au moins de ne pas négliger leurs demandes en y répondant trois mois plus tard. Passer du temps avec ses équipes, être souvent sur le terrain, est aussi essentiel. Enfin, soyez spontané ! Quand vous êtes satisfait par le comportement, les efforts ou les résultats de quelqu’un, dîtes-le lui tout de suite, sinon vous risquez d’oublier. De vive voix, par mail, par sms, sur un post-il… Peu importe la forme, ce petit mot aura un impact durable.

Participez à notre grande enquête sur la reconnaissance au travail ! Avec cette enquête réalisée par le pôle recherche de Moodwork, nous souhaitons mieux comprendre la place et l’importance de la reconnaissance au travail :
😁 celle que l’on reçoit,
🎁 mais aussi celle que l’on donne aux autres !
Pour participer, il vous suffit de cliquer ici : https://survey.alchemer.eu
Merci !

(1) Eyrolles.

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

2 Commentaires

  1. Je m’oppose à ce type de reconnaissance managériale qui correspond en fait à la reconnaissance comme idéologie bien décrite par Axel Honneth dans son livre: La société du mépris

  2. Merci pour cet article. En effet les collaborateurs la réclament mais les managers ne savent pas toujours comment faire. Vos conseils sont simples et pertinents.

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