Quitter son entreprise après 20 ans, après 10 ans ou lorsque cela fait des années que l’on y travaille est un changement de vie important, qu’il ne faut pas négliger sur bien des points. C’est en effet toujours une page qui se tourne, que le départ soit choisi ou subi. Les modalités du départ sont bien évidemment importantes à prendre en compte, car elles n’entraînent pas toutes les mêmes conséquences : partir volontairement ou subir un licenciement ne va pas vous impacter de la même manière, même s’il y a des dénominateurs communs.

Lorsqu’on est dans une même entreprise depuis des années, redouter son départ est normal. Celui-ci peut être perçu comme un saut dans le vide assez vertigineux ou comme un véritable soulagement. Et parfois même les deux en même temps ! Car comme dans une relation de couple qui a duré longtemps, un mix d’émotions s’invite souvent à la fin d’une collaboration avec une entreprise dans laquelle on s’est investi.e plusieurs années. Dans tous les cas, la peur est souvent là et peut se manifester sous de multiples facettes. Nous vous proposons aujourd’hui des clés pour amortir « le choc » de la sortie et appréhender cette transition le plus positivement possible.

Dans un premier temps, listez toutes vos craintes associées à ce départ, qu’elles soient émotionnelles, financières, organisationnelles, etc. Vous pouvez faire un tableau à deux colonnes, avec d’un côté les impacts négatifs que nous craignez, et de l’autre les impacts positifs que vous imaginez. Nous nous concentrerons ici sur les impacts négatifs afin de vous y préparer au mieux.

Clé n°1. Gérer l’annonce du départ

Nous constatons tous les jours qu’annoncer son départ aux proches est redouté. Peur de leur réaction, peur de leur incompréhension, honte associée à la situation si vous n’êtes pas à l’initiative du départ… La peur réside dans le jugement des autres : « que vont penser mes parents, mes beaux-parents ? », « que vont penser mes amis ? », « que vont penser mes enfants ? ». Il est judicieux de bien choisir le moment de l’annonce. Est-ce moins effrayant pour vous de leur annoncer avant le départ ou une fois sorti.e de l’entreprise (en mode, c’est fait, pas de retour en arrière en possible) ? Réfléchissez donc au moment le plus opportun pour vous et pour eux en termes de réceptivité.

Par amour ou amitié, les proches ont souvent peur lorsque l’on quitte un travail que l’on a de longue date : « Pourquoi ? », « Mais tu as beaucoup d’avantages dans cette entreprise », « En ce moment ??? Alors que c’est la crise ? ». Cette peur n’est pas malveillante. Ils vous veulent du bien et craignent que vous ne fassiez une erreur et que vous soyez moins bien dans « l’après ».  En règle générale, ils n’en font pas toute une montagne lorsqu’il s’agit de partir pour retrouver un poste similaire dans une autre entreprise. Autrement dit, lorsque seul l’environnement de travail change.

Leur réaction est plus compliquée lorsque l’on décide de changer de cœur de métier dans le cadre d’une reconversion : « Mais que vas-tu faire ? ».  Soyez vigilant(e) : leur réaction peut vite vous polluer, et devenir toxique ou angoissante. Notre conseil : pour les personnes dont vous anticipez ce type de réaction, ne leur parlez de votre départ que lorsque vous aurez identifié la suite, c’est-à-dire lorsque vous aurez un projet professionnel assez défini dont vous pourrez leur expliquer les tenants et aboutissants. Cela ne les empêchera pas de s’inquiéter, mais cela pourra réduire l’impact de l’annonce.

Clé n°2. Gérer sa réaction pré-départ

Certains s’inquiètent de voir leur engagement diminué quelques semaines ou mois avant leur départ. Normal : on a déjà un pied dedans/un pied dehors. Le fait de se sentir moins investi est tout à fait normal : vous ne vous projetez plus dans le futur avec cette entreprise, il va donc être compliqué pour vous de travailler sur les dossiers stratégiques ou long terme, qui nécessitent la projection d’un avenir « ensemble ». En revanche, soigner sa passation est une étape qui aide à gérer psychologiquement cette phase de pré-départ. Participer au recrutement de la personne qui vous va remplacer, classer vos dossiers pour que tout soit en ordre pour celui ou celle reprenant la suite, passer du temps à former cette personne et à prévenir/préparer tous vos interlocuteurs, sont des actions importantes qui vous permettent de préparer sereinement votre sortie, en anticipant déjà « l’après-vous ». Cela vous permettra de vous sentir aligné.e, en ayant tenu votre poste jusqu’au bout, y compris dans sa transition. Pour garder la motivation, pensez cette étape comme un moment de clôture important, une sorte de finalisation de vos années d’investissement dans cette structure avant de marquer le point final à votre collaboration.

D’autres, au contraire, ont peur de ne pas pouvoir lâcher une fois partis et de continuer à répondre aux différentes sollicitations. De la même manière, bien préparer la transition avec la personne qui va reprendre vos dossiers vous permettra ainsi de lâcher doucement la bride, pour éviter une rupture brutale avec le quotidien opérationnel, à la fois pour vous mais aussi pour vos collaborateurs ou interlocuteurs.

Clé n°3. Gérer la rupture affective   

Quitter une entreprise où l’on a passé des années se fait rarement sans une pointe de tristesse. Même si c’est rarement le sentiment dominant (surtout quand le départ est souhaité : joie et soulagement sont bien présents !), elle s’invite néanmoins très souvent lors des derniers moments. En effet, quand on passe de nombreuses années au sein d’une organisation, on y tisse des liens et parfois de profondes amitiés. Un attachement se crée, que ce soit aux personnes que vous côtoyez au bureau, à l’organisation elle-même ou même à votre lieu de travail. Le départ revêt alors une dimension affective qu’il ne faut pas négliger.

Il est important de se préparer psychologiquement à cette rupture. Car il s’agit de vous préparer vous-même à partir, mais aussi de préparer vos équipes. C’est un vase-communicant : plus vous préparerez vos équipes, plus vous vous préparerez et vice-versa. Pour cela, vous pouvez instaurer un « compte à rebours ». Il s’agit de faire une piqûre de rappel à vos équipes (ou interlocuteurs) le plus souvent possible : s’ils vous sollicitent en permanence sur différentes questions : apportez-leur une réponse tout en leur rappelant, évidemment gentiment, « attention J-30. N’oublie pas qu’après je ne serai plus là. ». En répétant aux autres que vous partez, vous ancrez l’idée en vous-même. Vous pouvez également, si votre successeur est désigné, profiter de la passation pour commencer à vous détacher un peu en créant le lien entre vos équipes et le nouvel entrant.

Il est également utile de marquer symboliquement votre départ, pour vous comme pour les autres. Moment parfois redouté, le pot de départ a pourtant une valeur importante, qui clôt symboliquement ce temps passé ensemble. Libre à vous d’organiser ce pot de départ pour qu’il vous ressemble (dans le respect des mesures sanitaires bien sûr), en y conviant les personnes importantes pour vous et en choisissant, si possible, le cadre et le moment qui vous vont bien. Et si vous vous dites que vous le ferez plus tard, dans les semaines suivant votre départ : attention, de notre expérience, une fois que l’on est « hors des murs », on le fait rarement. Par ailleurs, si l’organisation de ce moment vous stresse, déléguez ! Transmettez à un.e collègue de confiance la liste des personnes que vous aimeriez voir présentes, et laissez vos collègues s’en charger pour vous. N’hésitez pas à doubler ce moment par un dîner plus intimiste avec vos collègues préférés, et prévoyez le maintien du lien avec eux sur le long terme : leur rendre visite dans l’entreprise, boire un café à telle ou telle régularité, s’appeler pour prendre des nouvelles, etc.

Enfin, marquez le coup avec vos proches : fêtez cette sortie (par exemple au restaurant dès que cela sera de nouveau possible !). Là encore, cela vous permettra d’ancrer encore un peu plus le fait qu’une page se tourne. Vivre pleinement cette expérience, y compris émotionnelle, va vous permettre de passer sereinement cette étape.

Clé n°4 : Encaisser le choc quand le départ est subi

Se « faire sortir » d’une entreprise, a fortiori lorsqu’on y a passé de nombreuses années, est toujours vécu violemment, et l’actualité est malheureusement remplie de ce type de départs avec la crise que nous traversons. La violence de l’annonce parfois, la surprise, l’abattement, l’incompréhension souvent, rendent le départ particulièrement difficile. L’annonce aux proches peut être délicate. Et les dernières semaines très difficiles à vivre. Si c’est votre cas, sachez que toutes les personnes qui sont passées par là ont traversé les mêmes remous et sentiments que vous. C’est extrêmement difficile de voir se clore des années d’investissement dans une entreprise par un départ subi, qu’il soit individuel ou collectif. Dans ce cas, le soutien des proches est essentiel. C’est lui qui va vous faire tenir suite à l’annonce, et vous donner la force d’aller au bout de cette relation avec votre entreprise et du processus administratif, quel qu’il soit. N’hésitez donc pas à en parler autour de vous à des personnes de confiance, vous serez surpris du nombre de personnes de votre entourage ayant déjà traversé cela, et du soutien et des conseils que vous trouverez auprès d’elles.

A l’annonce de votre départ, vous allez très certainement vivre une tempête émotionnelle (colère, frustration, peur, dégoût), qu’il est important de ne pas réprimer. C’est normal de ressentir toutes ces émotions les unes après les autres. Ecoutez-les et exprimez les, elles ont une grande utilité.

Une fois passé cette première phase, un moment de prise de recul arrive alors, vous permettant d’analyser la situation. Ce qu’il s’est passé, les dispositions à prendre, mais également les possibilités qui s’ouvrent à vous pour la suite. Lors d’un départ subi, il peut arriver qu’une solution d’accompagnement, notamment d’outplacement, vous soit proposée : saisissez-la ! Et prenez le temps dont vous avez besoin pour construire un nouveau projet stimulant pour vous. Un temps de digestion va de toute façon vous être nécessaire avant de pouvoir vous projeter dans une nouvelle étape de carrière, et une « purge » peut alors s’avérer très utile pour exprimer tous les ressentis qui sont encore là, parfois même des semaines après le départ (les lettres d’émotions fonctionnent dans ce cas très bien). Notre conseil : si vous n’êtes pas à l’initiative du départ, faites-vous aider et accompagner, que ce soit par vos proches et/ou par des professionnels. Et prenez le temps de digérer la nouvelle avant de vous mettre en marche vers un nouveau projet.

Clé n°5. Gérer la peur du vide

Lorsque l’on quitte son entreprise sans avoir encore de projet pour la suite, le vide devant nous peut s’avérer vertigineux. Le même sentiment se retrouve d’ailleurs chez certaines personnes avant leur départ en retraite : « que vais-je faire de mes journées ? » ; « quel va être mon but en me levant chaque matin ? » ; et de manière plus profonde « à quoi vais-je servir ? ».

Car en quittant votre entreprise, vous abandonnez des habitudes de vie, une routine bien huilée. Les premiers jours (voire les premières semaines) post-départ, vous serez peut-être perdu dès le matin. Si vous ne reprenez pas un nouveau travail immédiatement et êtes par exemple au chômage ou que vous vous lancez dans une aventure entrepreneuriale, il est important de vous créer une nouvelle routine quotidienne. Votre rapport au temps va changer : vous n’aurez plus les mêmes repères qu’auparavant. Et même si ce changement a été souhaité, il n’en est pas moins déstabilisant. Premièrement, ne culpabilisez pas à vous accorder un break. Ne cherchez pas tout de suite à remplir votre agenda ou votre to-do list comme c’était le cas juste avant votre départ. Une pause entre deux entreprises ou projets peut être nécessaire si vous ressentez le besoin de souffler. C’est tout à fait OK ! Votre vie était certainement très (trop ?) remplie ces dernières années, et un peu de vide va vous permettre de faire de la place pour faire émerger un nouveau projet. Ne culpabilisez donc pas ! Une fois que vous vous sentez d’attaque et que vous ressentez le besoin de structurer à nouveau votre quotidien, listez tout ce que vous avez envie de faire ou tout ce que vous n’aviez pas le temps de faire lorsque vous étiez en poste. Etablissez un plan d’action, avec les échéances qui vous paraissent être les bonnes pour vous. Et expérimentez ! Servez-vous de ce temps pour tester de nouvelles choses, vous (re)découvrir dans de nouvelles activités. Ce temps que vous vous consacrez ne pourra être que bénéfique pour votre futur projet, quel qu’il soit !

Enfin, on a tendance à penser qu’on ne quitte jamais complètement une société dont on a fait partie longtemps, tout simplement car l’aventure qu’on y a vécu pendant plusieurs années fait partie intégrante de notre identité. Il n’est pas rare d’entendre nos accompagnés dire « nous » en parlant de leur ancienne entreprise. Le lien n’est en effet pas toujours coupé, même après un départ administratif. Et il ne se coupera peut être jamais complètement, car on recroise parfois d’anciens collègues dans la suite de notre parcours, ou on peut travailler différemment pour son ancien employeur. Bref, le au revoir n’est pas toujours définitif, et l’histoire vécue ensemble fait de toute façon partie intégrante de notre parcours, et donc au final de ce que nous sommes.

Par Marina Bourgeois et Caroline Averty, expertes en transition professionnelle, cabinet Oser Rêver Sa Carrière

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Ex-chasseuse de tête, enseignante-chercheur en droit des affaires, Marina Bourgeois est la dirigeante d’Oser Rêver Sa Carrière, cabinet spécialisé en transition de carrière et épuisement professionnel. Elle est aussi l’auteure de Burn-out. Le (me) comprendre & en sortir, 2018.

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