La procrastination ne vient pas d’un manque d’organisation, mais d’un mécanisme psychologique puissant. Selon le psychologue du travail Adrien Chignard, éviter une tâche difficile apaise temporairement… mais alimente un cercle vicieux. Voici cinq leviers simples pour enfin passer à l’action sans culpabilité.

Pourquoi procrastinons-nous vraiment ?

Remettre à plus tard un dossier clé ou une tâche importante n’est pas une question de paresse, mais un mécanisme psychologique. « Contrairement à une idée répandue, on ne procrastine pas parce qu’on a trop de temps ou qu’on en manque. C’est avant tout une stratégie d’évitement émotionnel, explique Adrien Chignard, psychologue du travail. Nous fuyons une tâche que nous percevons comme difficile, désagréable ou anxiogène. » Il compare ce réflexe à une phobie : pour ne pas affronter la peur des araignées, on évite les caves.

L’évitement procure un soulagement immédiat. Mais ce répit est un piège. « Le problème de la procrastination, c’est qu’elle entretient son propre cercle vicieux. En évitant ce qui nous fait peur, on renforce cette peur et on rend l’évitement encore plus tentant », alerte Adrien Chignard. À terme, la culpabilité et le stress s’accumulent, rendant chaque nouvelle confrontation plus difficile encore.

Perfectionnisme : le frein sous-estimé

Ce cercle vicieux est particulièrement marqué chez les perfectionnistes. Vouloir faire parfait avant même d’avoir commencé bloque toute action. « Quand on se répète : “je dois faire un travail absolument parfait”, on adopte une pensée en tout ou rien qui paralyse », souligne le psychologue. Il parle avec humour de « musturbation » : « Le “Je dois, je dois, je dois”. On passe son temps à s’imposer des injonctions dures envers soi-même. » Pour s’en libérer, il faut remplacer ces croyances rigides par des alternatives plus souples. « Il vaut mieux rédiger un texte moyen et l’améliorer ensuite que de ne rien écrire du tout. »

Pour rompre ce cercle vicieux, Adrien Chignard propose cinq méthodes.

1. Accepter l’inconfort

Le premier levier est d’accepter l’inconfort temporaire. Croire qu’on doit se sentir bien pour avancer est une illusion. « Le bonheur n’est pas un état de grâce permanent », rappelle-t-il. Face à la page blanche ou au doute, l’anxiété est normale : « Une émotion me traverse : je l’observe, je l’accueille, mais je garde en tête qu’elle est passagère. »

Ce renversement de perspective change tout : « La procrastination soulage dans l’immédiat mais accentue l’angoisse ensuite, tandis que la préparation inquiète au départ mais apporte un véritable soulagement. »

2. Découper la tâche : la méthode des 15 minutes

Vouloir gravir la montagne d’un seul coup paralyse. Mieux vaut avancer par étapes minuscules. « Quinze minutes suffisent, conseille le psychologue. Bloquez un quart d’heure dans votre agenda pour simplement rédiger l’introduction ou réfléchir à l’angle. Puis vous vous arrêtez. » Cette simple action suffit à lancer la dynamique. « Le secret de l’action, c’est de s’y mettre », aimait rappeler le philosophe Alain.

3. Célébrer chaque petit progrès

Le troisième levier consiste à célébrer chaque petite victoire pour ancrer une dynamique positive. « Il est essentiel de se féliciter pour chaque pas accompli. Si vous tenez vos quinze minutes, offrez-vous un petit carré de chocolat », insiste Adrien Chignard.

4. Créer de l’engagement social

Pour dépasser l’évitement, créez un engagement social. Dire à un collègue qu’on lui montrera un premier jet ou demander à son manager un point rapide augmente les chances de passer à l’action. « Le simple fait de s’engager auprès de quelqu’un d’autre accroît considérablement la probabilité de tenir sa promesse », souligne-t-il.

Pensez aussi à limiter les distractions (téléphone, mails) et à désamorcer votre dialogue intérieur. Quand une petite voix vous dit “tu vas échouer”, nommez-la pour prendre du recul. Adrien Chignard surnomme la sienne « mon Spielberg », tant elle dramatise les situations.

5. Identifier ses déclencheurs : la méthode du “cue”

La procrastination survient souvent face aux mêmes tâches. « Demandez-vous : lesquelles est-ce que je procrastine systématiquement ? », suggère l’expert. Ce travail révèle vos déclencheurs — ce qu’il appelle le “cue”, le signal qui déclenche l’évitement. Une fois le signal identifié, on peut mettre en place des parades : se former, déléguer, ou bloquer un créneau dans les 48 heures pour commencer.

Et si votre procrastination était un signal d’alerte ?

Si vous repoussez absolument tout, le malaise est peut-être plus profond. « Si chaque tâche liée à votre poste vous donne envie de fuir, c’est peut-être le signe que ce travail a perdu son sens pour vous », alerte Adrien Chignard. Il illustre cela par une métaphore : « Si je dis à mes enfants “à table, il y a des choux de Bruxelles” ou “à table, il y a des frites”, le temps qu’ils mettent à arriver n’est pas le même. » Ces résistances sont des signaux à écouter.

Finalement, la lutte contre la procrastination est un apprentissage émotionnel. Il s’agit d’accepter l’inconfort, de diviser le travail et de savourer chaque avancée, en gardant en tête cette règle d’or : « Il vaut mieux un travail commencé qu’un travail parfait qui n’a jamais vu le jour. »

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