Emilie Tales, 33 ans, est directrice conseil et responsable du digital au sein de Madame Columbo,  une agence spécialisée en marketing opérationnel.

emilie-talesMon premier départ pour l’étranger. C’était à Singapour, quand j’avais 25 ans. Mon compagnon de l’époque avait trouvé un emploi là-bas, alors je l’ai suivi. Je ne l’ai pas mentionné lors de mes entretiens d’embauche, j’ai juste dit que je connaissais quelques personnes à Singapour qui m’avaient parlé en bien de la ville et que j’avais voulu tenter ma chance là-bas. Je dois dire que les recruteurs sont aussi moins curieux de connaitre tous les détails de notre vie privée : ils sont plutôt contents de voir qu’on a sauté le pas pour s’installer dans leur pays et reconnaissent qu’il faut un peu de courage pour ça. Je n’ai compté que sur moi-même pour développer mon réseau : j’ai bien fait car je me suis séparée de mon compagnon deux ans plus tard – si je m’étais reposée sur lui j’aurais perdu beaucoup plus que mon couple ! A Singapour, les débuts ont été un peu difficiles car je n’avais pas de travail et je ne connaissais personne à part mon compagnon. J’ai commencé par arroser la ville avec mon CV ! J’ai même fait du porte à porte pour le déposer en main propre. J’ai trouvé un poste en deux semaines : du coup, avec les collègues, j’ai pu étendre mon cercle. J’ai ensuite écumé les réseaux d’expatriés locaux sur Facebook et j’ai participé à des événements de networking. Très vite, j’ai eu mon propre cercle de contacts – je trouve ça plus sain que de graviter dans celui de son homme. Par contre, après ma rupture, j’ai eu besoin de bouger dans un autre pays. Je suis partie en Australie, à Sydney. Peut-être un peu aussi pour me prouver que j’étais capable de faire la démarche de changer de pays toute seule, sans rejoindre qui que ce soit.

Préparer le terrain en amont. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée d’arriver dans un pays sans s’être bien renseigné. Avant d’arriver à Sydney, j’ai pris contact avec des entreprises locales et des agences de recrutement afin de voir si mon profil pouvait les intéresser. Je suis partie là-bas une semaine pour passer des entretiens sur place. J’ai récupéré plein de bons conseils de la part des recruteurs qui m’ont notamment orientée sur la meilleure période pour arriver si je voulais trouver un emploi rapidement (éviter l’été, période morte où les recrutements sont gelés). J’entretiens également beaucoup mon réseau : je suis une grande utilisatrice de LinkedIn ! Le monde est un village : on se rend compte très vite qu’on a des contacts un peu partout qui peuvent nous mettre en relation avec des profils qui nous intéressent. Facebook peut également être très utile : il existe de nombreux groupes de rencontre entre “expats”. En arrivant dans un nouveau pays, on est loin de sa famille et de ses amis : c’est important de recréer du lien social !

Ce que j’ai appris de ces deux expériences à l’étranger. Énormément de choses ! C’est très enrichissant d’évoluer dans un univers multiculturel : on doit s’adapter à différentes personnalités, à d’autres méthodes de travail. On s’ouvre aussi beaucoup plus facilement aux autres : comme on doit se reconstituer tout un réseau, on est obligé de sortir de sa réserve et d’aller à la rencontre des gens. J’étais un peu timide avant de partir : j’ai pris confiance en moi grâce à ces expériences. J’ai aussi rencontré des gens géniaux, des mentors passionnés par leur métier qui ont une autre vision du management. A Singapour comme à Sydney, l’école que j’avais faite n’avait aucune importance. Bien sûr qu’ils regardent vos compétences, mais la personnalité compte aussi énormément – on doit travailler son “personal branding” (c’est la minute Jean-Claude Van Dam !). Une fois, à Sydney, j’ai passé un entretien dans un café : on ne m’a posé aucune question sur mon CV. On m’a demandé ce que je faisais le week-end, si je pratiquais un sport, le dernier film que j’avais vu au cinéma… Quand je me suis étonnée de cette façon de faire, on m’a répondu : « On a vu ton CV, on sait que tu as les compétences. Maintenant, ce qui nous intéresse, c’est de savoir si tu vas t’intégrer à l’entreprise, si tu partages nos valeurs ».

J’ai aussi appris que rien n’est jamais définitif : je vois beaucoup de gens en France qui détestent leur job mais qui restent en place car ils ont peur de ne rien trouver d’autre. Je trouve ça hyper triste. A Singapour et Sydney, les gens n’ont pas peur d’aller voir ailleurs : ce n’est pas mal vu, au contraire, c’est comme cela qu’ils progressent, qu’ils apprennent de nouvelles compétences. Ils ont compris que le travail n’est pas une fin en soi : le travail doit nous permettre de nous accomplir, de nous enrichir. S’ils ne trouvent pas ça, ils partent. Du coup, les notions de bien-être au travail et de respect des employés sont très importantes là-bas depuis longtemps.

Bien sûr, avant de partir, j’avais des craintes ! C’est toujours un peu stressant de se dire qu’on recommence tout à 0. Se refaire des amis, apprendre à connaitre une nouvelle ville, se trouver un logement, faire face à toutes les démarches administratives… C’est loin d’être simple ! Et on a beau se préparer au maximum, on n’est jamais à l’abri d’une surprise ! Mais, à force de bouger, on acquiert des réflexes, on se fait une sorte de check-list des essentiels : trouver un logement temporaire, s’assurer que les visas sont en règle, se procurer un numéro de téléphone local, ouvrir un compte en banque, etc. On est aussi plus serein : quand on l’a fait une fois, on sait qu’on peut le refaire.

Mon retour en France. Je ne suis pas retournée vivre à Paris, mais je me suis installée à Nantes. Cela n’a pas été facile de m’intégrer : j’ai trouvé ça plus dur d’y faire mon trou qu’à l’étranger. Les gens ont déjà leur vie et n’ont pas besoin de rencontrer du monde (alors qu’à l’étranger tous les gens qui viennent d’ailleurs sont hyper en recherche de rencontres). En plus, je suis dans cet âge particulier où je ne suis plus étudiante et je ne suis pas encore maman : donc tu perds aussi des occasions de rencontrer de nouvelles personnes…

Du coup, je me suis inscrite à des associations (théâtre, tennis, etc.). J’ai regardé tous les réseaux professionnels existants, j’ai participé à un tas d’événements de networking (les conférences de la Cantine Numérique, les Fameuses, les Women at Nantes, les web apéros nantais ou encore les apéros des Internet). Heureusement, le monde du digital et des start-up est très dynamique à Nantes ! J’ai aussi monté « Melting Potes ». Le principe est simple : une fois par mois, on fait une soirée, à chaque fois on change de bar : chaque inscrit ramène un pote. C’est une façon de rencontrer les amis de tes amis et ça marche plutôt pas mal.

Je ne regrette pas mon choix : je pense que j’aurais eu plus de mal à vivre à Paris en fin de compte : trop de stress, une qualité de vie que je trouve moins bonne… Sydney, c’était la décontraction : les gens sont en mode « Work hard, play hard » donc ils se donnent au boulot, mais la vie privée est essentielle aussi. J’ai retrouvé cet équilibre en Province. Le plus dur a été de constituer mon réseau, mais en cherchant bien et en se donnant les moyens, on trouve ! Pour l’instant je suis posée, mais je n’exclue pas la possibilité de repartir quelque part un jour…

Mon conseil si vous avez envie de tenter l’expérience. Ne vous cherchez pas d’excuses, foncez ! Le principe de base : c’est d’être bien renseigné et de bien préparer son arrivée. Pour le reste : ce n’est pas aussi compliqué que ça en a l’air. Vous ne serez pas seule dans votre cas et à l’étranger on se serre les coudes. On a aussi la chance d’être né dans une ère de prouesses technologiques : il n’a jamais été aussi facile de communiquer (Skype et WhatsApp sont les meilleurs amis de l’expat’). Je suis partie à Singapour à 25 ans. Je voyais débouler des jeunes de 18-19 ans en stage et je me disais : « Whaou ! Je n’aurais jamais eu le cran de faire ça a leur âge ». Et en fait, quand on leur dit ça, ils ne comprennent pas, car pour eux c’est juste une superbe aventure. Ils ne complexifient pas le processus, ils n’ont pas peur. C’est peut être ça la clé, dédramatiser. Que peut-il arriver de pire ? Ne pas trouver de job ? Et bien dans ce cas-là on a toujours la possibilité de rentrer : on aura toujours gagné une expérience inoubliable, et ce n’est en aucun cas un échec.

Crédit photo : unsplash.

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

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