Toujours en quête du “sans faute” au travail ? Le perfectionnisme, souvent valorisé dans les entreprises, peut pourtant devenir un véritable piège. Derrière l’exigence de bien faire se cachent fatigue, perte de temps et anxiété. Sophrologue et autrice, Laurence Roux-Fouillet décrypte les mécanismes de cette quête impossible et partage des pistes pour apprendre à lâcher prise… sans renoncer à la qualité.

Comment définir le perfectionnisme ? Quels signes montrent qu’on l’est ?

Le perfectionnisme, c’est une quête sans fin puisque l’idée, c’est que ce n’est jamais bien parce que ce n’est jamais parfait. Il n’y a que de l’insatisfaction dans le perfectionnisme. Il y a plusieurs choses qui nous montrent qu’on est perfectionniste : la première, c’est la fatigue (même si le perfectionnisme n’est, bien sûr, pas la seule cause de fatigue). Si mon travail me fatigue de manière excessive, est-ce que par hasard je n’aurais pas tendance à en faire trop ? La deuxième chose, c’est quand on trouve que les gens ne font pas bien car ils ne font pas comme nous. Et enfin quand on se perd dans les détails : on a arrêté quelque chose et dans les minutes qui suivent on se dit “Et si je faisais ça en plus ?” Mais la question à se poser c’est “Est-ce que c’est vraiment utile ? Est-ce que tu es en train de perdre ton temps ?” On peut s’auto-évaluer, mais on le réalise parfois plus facilement quand quelqu’un nous le dit.

Le perfectionnisme repose donc sur un besoin de contrôle ?

Exactement. Le perfectionnisme repose souvent sur un fort besoin de contrôle, et sur ce qu’on appelle les “drivers” en analyse transactionnelle. Ce sont des conditionnements qu’on a pris dans l’enfance. On en a cinq. Il y en a un qui est “fais plaisir”, et un autre qui est “sois parfait”. Souvent, c’est une quête de reconnaissance cachée. Ces drivers peuvent venir des parents, mais aussi des managers auxquels on veut faire plaisir. Parce que quelque part, il m’a recruté, il ne faut pas que je le déçoive. Et il faut que les autres voient que je travaille bien, avec un niveau d’exigence élevé : cela montrera qu’il a eu raison de me recruter.

Pourquoi cette quête épuise-t-elle autant ?

Le premier niveau de fatigue, c’est une fatigue intellectuelle. Parce que cela crée une tension attentionnelle : notre vigilance est toujours focalisée sur “qu’est-ce qui pourrait être mieux ?”, “qu’est-ce que j’ai oublié ?” Le cerveau n’arrête pas. Et souvent, derrière, il y a une inquiétude. C’est anxiogène. Pour un perfectionniste, quand tout va bien, c’est suspect. Il se dit qu’il a dû oublier quelque chose ! Le vide, pour lui, c’est presque de la fainéantise. Alors il faut le remplir avec quelque chose d’encore mieux. Mais le cerveau, lui, a besoin de se reposer.

Quels autres impacts peut avoir le perfectionnisme au quotidien ?

Le deuxième niveau, c’est la perte de temps. Comme on est obnubilé par les détails, on passe souvent à côté de l’essentiel. Le nombre de fois où tu te perds dans la mise en page ou le choix de la typo et que tu oublies la grosse faute d’orthographe dans le titre du dossier ! Et ces détails n’ont souvent aucune valeur ajoutée. Commercialement, on ne peut pas les monétiser. Le temps que tu as perdu n’a pas de retour sur investissement. Se perdre dans les détails nous fait oublier l’essentiel, mais surtout contraint à vérifier, ou revérifier. Non seulement ces détails ne sont pas perçus par les autres comme une valeur ajoutée réelle, mais ils sont chronophages. Cela nuit à notre efficacité, et c’est une vraie lassitude source de fatigue physique, mais aussi émotionnelle parce qu’on ne met pas son énergie au bon endroit.

Le perfectionnisme a donc un coût…

Oui, j’en parle beaucoup. Il faut regarder la balance entre le temps investi, l’engagement et le résultat que ça procure. En termes de ROI — retour sur investissement —, est-ce que le perfectionnisme vaut la peine ? Si tu es sur un produit, en concurrence sur un marché, certaines améliorations peuvent valoir le coup. Mais quand c’est sur des détails, non. Et surtout, plus on est perfectionniste, moins on est créatif.

Pourquoi ?

Parce que si ton cerveau est focalisé sur l’opérationnel, il ne peut pas lâcher prise pour créer. Il ne peut pas faire de la recherche, de la réflexion, de la R&D. La créativité a besoin de légèreté, de temps d’évasion et de rêverie. Les perfectionnistes ne se les accordent jamais, car ils sont focus sur les détails insignifiants ou les oublis imaginaires. D’où fatigue intellectuelle. Sans compter que la créativité est une superbe source d’énergie, dont on se prive. Charles Pépin, dans son podcast sur le perfectionnisme, le dit très bien : au lieu de viser la perfection, il faut viser l’amélioration. Pas chercher à être le meilleur, mais se dire : “J’ai progressé.”

Concrètement, comment progresser sans tomber dans l’exigence excessive ?

Pour moi, progresser, c’est optimiser le temps pour le même résultat. Par exemple, arriver à faire quelque chose d’aussi bien, mais plus vite, c’est déjà de la progression. Aujourd’hui, mon objectif, c’est ça : travailler sur l’efficacité. Et l’efficacité, c’est le temps nécessaire pour le bon résultat.

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle est aussi la rédactrice en chef de Courrier Cadres, Rebondir et L'Officiel de la franchise. Elle anime le podcast "Good Job" et co-anime le podcast "Les petits cailloux" avec Aurélie Durand. Elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod) et "Le SAV des managers" (Vuibert) avec Aurélie Durand.

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