Diversité cognitive au travail

Croiser les formes de pensées et accepter la diversité des points de vue est source de richesse. Fort de cette conviction, Orange fait le pari de promouvoir la diversité cognitive au sein de ses équipes en lançant un programme spécifique appelé Neuroteam. Son objectif ? Partager les expériences et transformer les pratiques, faciliter les contributions en favorisant un environnement de travail toujours plus inclusif, mieux adapté aux personnes dites neuroatypiques.

Valérie Tiacoh, directrice égalité des chances d’Orange, revient pour nous sur les coulisses de ce programme qui fait du groupe l’un des pionniers en France sur ce sujet. Sa perspective ? Appréhender différemment les mutations en cours ou à venir, créer de nouveaux modes de collaboration où la participation de toutes et tous est stimulée par une approche résolument ouverte.

Qu’est-ce qui a poussé Orange à s’engager en faveur de la diversité cognitive ?

Tout est parti d’une observation et d’une conviction d’Elizabeth Tchoungui, Directrice exécutive, RSE, Diversité et Solidarité du Groupe. Personnellement engagée sur ce sujet, elle a pu constater dès son arrivée dans le groupe, que la neurodiversité était prise en compte au sein des entreprises à l’international, et tout particulièrement dans les métiers de la tech qui en faisait un réel atout. Convaincue que les diversités sont un vrai catalyseur de performance économique et sociale en entreprise, elle a lancé l’année dernière la réflexion en interne et cela a abouti à la création du programme Neuroteam.

Quel public ciblez-vous avec le programme Neuroteam ?

La neurodiversité est un concept assez large, qui évolue régulièrement mais qui repose sur des propos scientifiques. Elle concerne l’ensemble des variations cognitives issues de la diversité des cerveaux et des esprits humains. Elle englobe aussi bien les profils majoritaires que les profils dits atypiques car plus rares. Cette population « neuroatypique » est estimée à environ 20% dans les études et comprend notamment les personnes avec des Troubles du Spectre Autistique (TSA, avec ou sans déficience intellectuelle, couramment appelé Asperger), avec des Troubles du Déficit de l’Attention, avec ou sans Hyperactivité (TDA-H), les personnes dites « Dys » (dyslexie, dyscalculie, dysgraphie, dysorthographie, dyspraxie…), les Hauts Potentiels Intellectuels (HPI) ou encore les personnes avec Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC) ou trouble bipolaire… C’est cette population qui mérite d’être mieux comprise et inclue dans le monde du travail.

Cette approche va donc au-delà du handicap ?

En effet, nous souhaitons mettre l’accent sur les capacités plus que sur le handicap. Certes quand les difficultés deviennent trop importantes en termes de sévérité ou d’intensité, il est nécessaire de se faire accompagner et c’est le sens de la détection et de la protection dont peut bénéficier le salarié avec une reconnaissance de qualité de travail handicapé (RQTH). Pour autant tous ces profils ne sont pas concernés par un handicap et certaines personnes ne veulent absolument pas être associées à ce terme.

Comme chaque cerveau est unique, chacune et chacun, neuroatypique ou neurotypique, a sa propre façon de penser, d’appréhender et d’interagir avec son environnement, ses forces et ses faiblesses dont il faut tenir compte… Mais quand on encourage chaque personne à exprimer son potentiel, on favorise le bien-être en entreprise et toutes peuvent contribuer avec efficacité au développement du collectif de travail et de la société.

Avez-vous une idée du nombre de personnes que cela pourrait représenter dans votre entreprise ?

On estime qu’il y dans le monde 20% de personnes concernées par les neuroatypies et qu’il y a plus de 15% des personnes qui sont en situation de handicap. 80% des handicaps sont invisibles et certaines neuroatypies en font partie quand elles nécessitent un accompagnement spécifique. Tous ces chiffres sont particulièrement évocateurs car ils peuvent se croiser mais ne se superposent pas… Dans tous les cas, quel que soit l’angle de vue, cela fait plus d’un milliard d’individus à l’échelle planétaire. Ajoutez à cela que les discriminations à l’embauche sont fortes, plus de 85% des personnes dites neuroatypiques seraient au chômage, cela vous donne déjà une idée de l’envergure du champ d’actions possible que ce soit par le biais de notre Fondation ou par notre démarche d’entreprise inclusive. Sur cette base, on imagine aisément que certains de nos salariés sont concernés… mais plus que les chiffres il s’agit surtout d’un potentiel inexploité dont il faut prendre conscience. Si seulement 5% de notre population est concernée, cela fait déjà près de 7 000 personnes au niveau du groupe.

Comment avez-vous mobilisé vos équipes sur le sujet et construit le programme Neuroteam?

Avec le soutien de nos deux sponsors d’Elizabeth Tchoungui et de Gervais Pelissier, Directeur Général Délégué, Directeur des Ressources Humaines et de la Transformation du Groupe, nous avons réuni des représentants de différentes entités métiers intéressés par le sujet, des membres de la communauté salariée « les Z’Atypiques » mais aussi des spécialistes de plusieurs domaines d’activité du groupe.

Ensemble, nous co-construisons chaque jour le programme Neuroteam en mode « Test & Learn ». Pour exemple à notre 1e brainstorming, près de 150 idées utiles ont fusé en moins de 2h ! On n’est jamais à court d’idées dans le monde de la neuroatypie. Ca a été plus dur de prioriser… (rires)

Nous avons en parallèle réalisé une écoute sociale, qui a révélé une véritable émergence et attente sur le sujet. Des groupes de travail ont été lancés autour du recrutement, du management, de la sensibilisation des équipes (notamment des acteurs de la prévention et santé au travail) et de la communication. Il est important d’acculturer le plus grand nombre, de donner de l’information sur un sujet complexe et de lever les barrières en luttant contre les stéréotypes.

Avez-vous mis l’accent sur le management de la neurodiversité ?

En interne, nous avons réfléchi à notre offre de formation en commençant en effet par enrichir l’auto-diagnostic du management inclusif avec des questions portant sur la neurodiversité. Nous avons aussi formé nos recruteurs à l’intégration de la diversité cognitive dans les processus de recrutement en commençant par les campagnes de stage (plus de 2 000 offres à pourvoir chaque année) : nous recherchons avant tout des compétences ! A la lumière de cette formation, certains d’entre eux nous ont avoué avoir laissé passer auparavant des profils neuroatypiques, n’ayant pas à ce moment les clés pour les repérer ou n’étant pas forcément conscients de ces potentiels. C’est la preuve que les mentalités évoluent et que l’acculturation progresse au sein du groupe. Nous reprenons la formation cette année pour la seconde fois. En adressant la population de stagiaires, nous avons une démarche douce de transformation des approches et cela semble plus facile de convaincre les managers recruteurs de « jouer le jeu ».

En parallèle, nous accompagnons si nécessaire les managers pour détecter et prendre en compte les singularités sans faire pour autant de différence entre les salariés. Leur rôle est essentiel dans ce projet pour libérer la parole, animer les équipes et générer de nouvelles pratiques et dynamiques de travail adaptées à chacun et au collectif.

Et demain ?

C’est une démarche d’amélioration continue, pas une révolution mais une évolution de l’organisation et des états d’esprit que nous voulons impulser. Un de nos principaux challenges sera d’attirer les personnes concernées, de générer leur confiance comme celle de nos managers, et de faire en sorte que les salariés neuroatypiques se sentent reconnus et tout cela sans sur-promesse.

Avez-vous déjà personnellement expérimenté cette diversité cognitive au travail ?

Oui c’est le cas actuellement et ça l’a certainement été aussi par le passé mais je me rends compte que je n’étais pas toujours en compréhension par manque de connaissance ou d’informations suffisantes ! Dernièrement, j’ai accueilli dans mon équipe un alternant autiste Asperger. Il a cassé les préjugés sur ce profil (il est tout aussi social et bavard que moi !) et a bousculé positivement nos habitudes. Pour pallier certaines de ses difficultés et rendre notre environnement de travail plus inclusif, nous avons réappris diverses choses, comme reformuler l’implicite (une réunion demain, d’accord, mais à quelle heure et où ?), respecter l’agenda et les horaires… Il a été un ferment dans notre équipe. Individuellement, nous nous sommes tous enrichis et d’un point de vue collectif, nous avons gagné en bienveillance et vigilance mais aussi en agilité, innovation, fluidité de communication… Cela ne fait que renforcer ma conviction et mon enthousiasme à porter ce projet au sein du groupe !

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Après avoir travaillé 5 ans pour une association œuvrant pour la QVT, Aurélie Viet s’est lancée dans l’aventure de l’entrepreneuriat, en tant que conseil en communication. Engagée, elle s’intéresse tout particulièrement aux projets porteurs de sens et d’humain : bien-être, QVT, handicap, social, environnement…

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