Entre les ponts du mois de mai et les vacances estivales qui approchent, une question persiste : les salariés français parviennent-ils vraiment à déconnecter ? Une étude menée par Indeed et Censuswide révèle un paradoxe intéressant : si le droit à la déconnexion s’affiche dans les discours managériaux et RH, il reste difficile à faire respecter dans les faits.

Près d’un quart des salariés français (24 %) consultent encore leurs emails professionnels pendant leurs vacances. Et ils sont tout aussi nombreux à rester connectés en soirée, souvent happés par une notification ou un message imprévu. Ce comportement, loin d’être marginal, s’inscrit dans une logique plus large : celle du présentéisme moderne. Aujourd’hui, près de quatre salariés sur dix déclarent prolonger artificiellement leur journée de travail pour « montrer » leur engagement, même sans urgence particulière. Chez les 16-24 ans, cette pression est encore plus marquée (62 %), reflet d’une volonté de prouver sa valeur en début de carrière.

Présentéisme numérique et culte de la disponibilité

Autre constat saisissant : près de la moitié des salariés estiment que la présence physique est plus valorisée que les résultats eux-mêmes. Un héritage culturel persistant, qui pousse encore nombre d’entre eux à rester disponibles en permanence – parfois au détriment de leur équilibre personnel. Résultat : 52 % des répondants jugent que leur vie privée est sacrifiée par leur entreprise.

Le droit à la déconnexion, inscrit dans le Code du travail depuis 2017, peine à s’incarner concrètement. Si 74 % des recruteurs affirment en faire une priorité, notamment dans les PME de 50 à 99 salariés, seuls 42 % des employés interrogés perçoivent des actions tangibles en entreprise. Pis encore, un salarié sur deux estime que son propre manager ne respecte pas ce droit, malgré les engagements affichés.

Le secteur de la santé semble plus avancé sur ce sujet : 84 % des recruteurs affirment avoir mis en place des dispositifs pour garantir la déconnexion. A contrario, les univers du commerce, de la restauration ou du transport restent en retrait, avec un taux d’engagement à 66 %. Un quart des recruteurs déclarent même ne pas savoir s’ils appliquent des mesures concrètes – preuve d’un flou persistant.

Les jeunes sont particulièrement mal informés : moins d’un sur deux connaît le droit à la déconnexion, et un sur cinq ignore tout simplement ce qu’il recouvre. Un chiffre alarmant dans un monde professionnel qui mise sur la jeunesse pour renouveler les pratiques.

Trop d’e-mails, pas assez de répit

La fracture entre vie pro et vie perso est aussi alimentée par une inflation des communications numériques. 27 % des salariés estiment que leurs collègues privilégient l’email même pour les sujets les plus simples, préférant éviter les appels directs. Cette tendance est encore plus prononcée chez les plus jeunes. Résultat : 17 % des employés se disent stressés par la masse de messages qu’ils reçoivent, un chiffre qui grimpe à 20 % chez les plus de 55 ans.

En soirée, les parents semblent les plus exposés, devant jongler entre tâches domestiques et urgences professionnelles : 19 % d’entre eux reprennent le travail après 20 heures, contre 16 % des célibataires. Le phénomène s’intensifie en vacances, où la « FOMO » professionnelle – la peur de rater une information importante – incite 24 % des salariés à rester connectés.

Les recruteurs eux-mêmes entretiennent cette ambiguïté : s’ils sont 66 % à déclarer que les emails ne devraient pas être lus en dehors des horaires, 13 % admettent attendre de leurs collaborateurs une disponibilité étendue. Et 21 % préfèrent ne pas se prononcer, comme pour éviter de reconnaître cette pression larvée.

Face à cette surcharge mentale, 29 % des salariés disent considérer la déconnexion comme un critère décisif pour choisir un nouveau poste. Pourtant, dans de nombreuses entreprises, les réponses restent fragmentaires : rappels aux managers, téléphones pro, politiques flexibles… autant de palliatifs qui peinent encore à enrayer une culture du « toujours joignable ».

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