Règles douloureuses, endométriose, dépression ou encore les personnes aidantes… Dans de nombreuses entreprises, des salariés jonglent avec des vulnérabilités parfois invisibles tout en essayant de tenir leur poste. Longtemps isolés, ils peuvent désormais s’appuyer sur la pair-aidance : des personnes qui ont traversé la même épreuve et sont formées pour les écouter, les orienter et leur redonner de l’espoir.

Ces dernières années, la prise de conscience des enjeux de santé au travail a mis en lumière l’importance de repenser l’accompagnement des salariés fragilisés. 83 % des dirigeants se disent préoccupés par ces situations (dont 50 % très préoccupés). La pair-aidance devient alors un nouveau pilier de soutien. Apparue dans le champ de la santé mentale dans les années 1990, elle repose sur un principe simple : des personnes ayant vécu une maladie chronique, un handicap ou un trouble psychique s’entraident.

Concrètement, un salarié (extérieur à l’entreprise) accompagne un autre salarié confronté à la même difficulté. Là où le coaching vise la performance, la pair-aidance s’ancre dans l’entraide, l’écoute et la reconstruction. Loin d’un modèle médicalisé ou vertical, elle valorise la réciprocité et l’expérience vécue. D’abord présente dans les hôpitaux et les associations, elle gagne aujourd’hui les entreprises, où elle répond à un besoin croissant de soutien émotionnel et de compréhension entre collègues.

La pair-aidance en entreprise : l’exemple KLANIK 

Chez KLANIK, la pair-aidance s’inscrit dans une politique handicap déjà structurée : aménagements de poste, jours de congés supplémentaires, accompagnement individuel. Pourtant, les salariés n’osaient pas toujours parler de leurs difficultés. « Même si je suis soumise à la confidentialité, certains ont peur du jugement ou des répercussions », observe Marie Proust, référente handicap de la structure de 500 collaborateurs.

  • S’appuyer sur des « patients partenaires » externes

En 2024, avec la responsable RSE, elle cherche un soutien plus accessible. « On voulait offrir de vraies solutions pour la santé mentale et le bien-être au travail. » KLANIK choisit alors la pair-aidance via la plateforme Coline.care, qui met en relation les salariés avec des « patients partenaires », formés et passés par la même épreuve. Leur rôle : offrir une écoute authentique, des repères concrets et de l’aide pour naviguer dans les démarches (RQTH, aménagements, parcours de soins). « Il n’y a rien de plus beau qu’une vraie conversation avec quelqu’un qui nous comprend », résume sa cofondatrice, Mathilde Murzeau.

  • Une réponse à de nombreux cas de vulnérabilités

Ce qui convainc surtout Marie Proust, c’est la capacité à répondre aux questions les plus difficiles : l’annonce d’une maladie, le retour après arrêt, l’impact sur le quotidien professionnel. Depuis janvier 2025, le dispositif est ouvert à tous : salariés concernés, proches aidants et managers. « Ils l’utilisent pour accompagner plus sereinement les retours au travail après un arrêt maladie », explique-t-elle.

Les premiers résultats confirment l’intérêt du dispositif : en un an, 35 collaborateurs ont pris rendez-vous avec un patient partenaire : « On ne savait pas si les gens allaient se projeter, mais on voit que c’est une vraie réponse. » La communication joue un rôle clé : présentation à chaque nouvel arrivant, annonces, mails, rappels mensuels.

Les 4 bénéfices clés de la pair-aidance en entreprise

  • Sortir de l’isolement

La pair-aidance met fin à la solitude que vivent nombre de salariés confrontés à une maladie chronique ou invisible. Mathilde Murzeau, cofondatrice de Coline.care, diagnostiquée bipolaire de type 1 à 28 ans, l’atteste : « On est très seul face à la maladie mentale ou au handicap invisible. » Parler à quelqu’un qui a vécu la même chose, et hors de l’entreprise, transforme le quotidien.

  • Trouver des repères concrets pour les démarches

Au-delà de l’écoute, la pair-aidance répond à un besoin pratique : comprendre ses droits. Bertille Flory, diagnostiquée d’endométriose et devenue pair-aidante, accompagne chaque jour des femmes dans leurs démarches : RQTH, aménagements, dispositifs pour aidants, maintien dans l’emploi. Un soutien qui allège la charge mentale et redonne du pouvoir d’agir.

  • Mieux tenir dans son emploi

La pair-aidance aide les salariés à rester en poste sans s’épuiser : mieux comprendre sa maladie, anticiper les périodes de fragilité, oser demander un ajustement. « Si j’avais été mieux accompagnée, je serais restée dans ma précédente entreprise parce que j’aimais bien ce que je faisais », confie Mathilde Murzeau. Ainsi, la pair-aidance ne guérit pas, mais elle stabilise les parcours professionnels et évite de nombreux renoncements.

  • Ouvrir une culture de travail plus humaine

Introduire la pair-aidance, c’est ouvrir un espace de parole sur les fragilités, encore très tabou. Parce que les pair-aidants parlent depuis l’expérience plutôt que depuis le médical, ils facilitent des échanges authentiques. KLANIK en est un exemple : Marie Proust observe que les conversations sur le handicap se libèrent, les managers se sentent mieux armés et la prévention devient plus concrète. « On sait que ça aide vraiment les gens… et certains le recommandent déjà autour d’eux », se réjouit-elle.

Pair-aidant : une pratique désormais professionnalisée

La pair-aidance ne repose pas uniquement sur l’expérience : c’est un métier, avec une posture et des compétences spécifiques. « Tous nos patients partenaires sont des personnes formées », insiste Mathilde Murzeau. Beaucoup passent par l’Université des patients de la Sorbonne, fondée par la professeure Catherine Tourette-Turgis, pionnière du mouvement en France. Les formations incluent notamment l’éducation thérapeutique du patient (ETP) ou des diplômes universitaires (DU) spécialisés.

C’est le parcours de Bertille Flory : « Voyant que ce que je pouvais transmettre aux autres personnes en souffrance, j’ai décidé de me former à la pair-aidance. » Après une certification ETP, un DU à la Sorbonne et une formation à Montpellier, elle accompagne désormais des patientes à l’hôpital, forme des soignants, intervient en entreprise et participe à des programmes de recherche.

Des compétences invisibles révélées par les épreuves

Derrière ce métier en construction se cache aussi un potentiel : les soft skills forgées dans l’épreuve. « Le handicap, c’est un truc en plus, affirme Bertille Flory. Cela apporte énormément de soft skills, de compétences qu’on ne va pas acquérir en passant des diplômes : tout ce qui est adaptation, résilience, créativité… » 

La pair-aidance révèle ainsi un ensemble de compétences encore trop peu valorisées en entreprise, mais pourtant essentielles dans des organisations qui cherchent davantage d’écoute, d’empathie et de capacité d’adaptation.

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Diplômée de l’ESC Reims, Laure Girardot a 10 ans d’expérience en tant que consultante en change management, communication et ressources humaines. Aujourd’hui, elle est journaliste indépendante travail, RH et management.

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