Stress, isolement, surcharge mentale… La santé mentale devient une priorité en matière de qualité de vie au travail. Comment se former individuellement et collectivement ? Fresque, premiers secours, autoformation… Voici cinq leviers concrets pour mieux comprendre et agir, sans être psy.

1° La Fresque pour parler de santé mentale, un premier pas collectif

Vous connaissez sûrement la Fresque du climat. Dans cet esprit, plusieurs fresques se sont développées sur l’inclusion, l’égalité, etc. « On a voulu libérer les tabous, susciter des conversations sur le sujet et développer un sentiment d’appartenance », explique Estelle Becuwe, cofondatrice de l’atelier Santé Mentale pour tous avec Laure Gomez Montoya. L’objectif ? Harmoniser les niveaux de connaissance, souvent disparates au sein d’une même organisation, et permettre à chacun de repartir avec une cartographie mentale du sujet et des ressources ciblées. Cet atelier participatif dure trois heures : il est basé sur un jeu de cartes, pour explorer collectivement les déterminants de la santé mentale, les troubles possibles et les ressources.

L’outil ne s’adresse pas qu’aux RH ou aux référents RPS : « Cela fonctionne avec tout le monde, du CODIR au CSE, en passant par les personnes en situation de handicap. Le but est que chacun puisse s’approprier la santé mentale comme un levier collectif. » Plus qu’une formation, la fresque constitue un déclencheur : « On est sur de la sensibilisation, pas de la montée en expertise. On favorise l’intelligence collective, les gens progressent ensemble. »

2° Les premiers secours en santé mentale : adopter les bons réflexes

Moins connu que le PSC1, le dispositif PSSM (Premiers secours en santé mentale), porté par l’organisme PSSM France, forme les volontaires à repérer les signaux de détresse psychique, à écouter sans juger, et à orienter vers des dispositifs de soin. En deux jours, les stagiaires acquièrent des compétences concrètes pour faire face à des situations de crise, sans jamais remplacer les professionnels.

Selon Estelle Becuwe, « les formations PSSM sont cruciales, mais elles impliquent d’entrer directement dans la gestion des troubles et des crises. Ce n’est pas forcément le premier niveau. » Loin d’être anecdotiques, ces formations répondent à une demande croissante : plus de 165 000 secouristes ont été formés en France depuis 2019, et l’objectif est d’atteindre les 750 000 d’ici 2030.

Pour aller plus loin : Sauveteur en santé mentale, pour prendre soin de ses collègues

3° Apprendre en ligne : cultiver sa vigilance et sa curiosité

MOOC, podcasts, webinaires, newsletters spécialisées… La santé mentale dispose aujourd’hui d’un riche écosystème numérique. Des plateformes comme Psycom, la Fondation FondaMental ou encore les MOOC de l’Inserm proposent des contenus pédagogiques pour comprendre les troubles, identifier les ressources, ou réfléchir aux facteurs de protection.

Pour Estelle Becuwe, ces contenus ont leur utilité, mais à condition de ne pas s’y perdre : « La vision du sujet est encore très peu structurée. Il y a beaucoup de ressources, mais il manque souvent une mise en cohérence. » Elle insiste aussi sur l’importance de ne pas aborder la santé mentale comme une somme de symptômes, mais comme une dynamique : « Il faut sortir d’une vision strictement médicale. C’est un sujet qui nous concerne tous, dans nos équilibres, nos fragilités, nos relations. »

Pour aller plus loin : vous pouvez suivre sur LinkedIn des experts reconnus sur le sujet comme Adrien Chignard, Noémie Guerrin, Jean Caron, Arnaud Goulliart… Certains interviennent en entreprise et proposent des formations ou des conférences. Vous trouverez également des acteurs engagés via la Fédération des intervenants des risques psychosociaux.

4° Devenir “sentinelle” ou “bienveilleur” 

Certaines entreprises mettent en place des dispositifs de vigilance internes, souvent intégrés dans leur politique de prévention des risques psychosociaux (RPS). Des salariés — parfois managers, référents handicap ou membres du CSE — sont formés pour repérer les signaux faibles et orienter vers les bonnes ressources. Un rôle d’alerte et d’orientation, à ne pas confondre avec une posture d’expert.

Estelle Becuwe insiste : « L’objectif n’est pas de responsabiliser tout le monde au même niveau. Mais chacun, à son poste, peut choisir de se former, de prendre soin de lui-même et de veiller à ne pas nuire aux autres. » Et d’ajouter : « Quelqu’un en stress majeur va forcément impacter ses collègues. La première responsabilité, c’est de préserver son propre équilibre. Ensuite, on peut devenir un vrai soutien, un amortisseur pour les autres. »

Avec la montée du télétravail et la digitalisation des échanges, ces rôles sont devenus d’autant plus cruciaux. « Il faut une attention toujours plus soutenue pour que le lien humain reste de qualité. Il ne s’agit pas seulement d’être efficace, mais d’être humain », estime notre experte.

Pour aller plus loin : Bienveilleurs, ils écoutent et orientent leurs collègues en détresse

5° Se former selon son profil

Managers, jeunes actifs, aidants familiaux, enseignants : chaque public a ses propres besoins, ses zones d’exposition, ses leviers d’action. Des structures comme l’UNAFAM, les rectorats, les groupes d’entraide mutuelle (GEM) ou encore certaines mutuelles comme la MGEN ou encore Malakoff Humanis proposent des parcours spécifiques pour ces publics.

Pour Estelle Becuwe, c’est une évidence : « Il n’y a pas une santé mentale universelle. On ne parle pas à un jeune en insertion comme à un cadre dirigeant ou à une mère aidante. Il faut adapter les mots, les formats, les rythmes. » Elle rappelle que le lieu de travail peut être un formidable levier de transformation : « Le travail n’est pas seulement un facteur de risques. C’est aussi un lieu de vie, qui peut soutenir la santé mentale s’il est bien pensé. »

Dans notre monde professionnel en tension, où l’isolement, la charge mentale et les incertitudes s’accumulent, se former à la santé mentale devient un acte citoyen. Pour soi, mais aussi pour son collectif. « On évolue dans un groupe, rappelle-t-elle. On est tous en première ligne. Il ne s’agit pas de jouer au psy, mais d’éviter de nuire, et parfois, de soutenir. »

Pour ne rater aucune actualité en matière de qualité de vie au travail, inscrivez-vous à la newsletter de My Happy Job.

A lire aussi :
Comment gérer l’infobésité et les boîtes mails saturées
Santé mentale au travail : stop aux clichés !

Article précédentComment gérer l’infobésité et les boîtes mails saturées
Article suivantAbsentéisme, désengagement, santé mentale dégradée… Comment le secteur public tente d’enrayer la spirale

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici