
Il y a des matins où l’idée même de retourner travailler nous semble insurmontable. Pas parce qu’on n’aime pas ce qu’on fait, mais parce qu’on est vidé. Usé. Parfois, au bord des larmes, sans trop savoir pourquoi. L’épuisement professionnel ne surgit pas toujours dans le fracas d’un burn-out. Il s’installe insidieusement, comme une fatigue qui ne passe pas, une démotivation rampante, une perte de sens. Comment retrouver, dans ces moments-là, ne serait-ce qu’un soupçon de plaisir au travail ? Est-ce encore possible ?
1° Commencer par ne pas s’en vouloir, même si c’est la première chose qu’on fait
La culpabilité s’installe vite. Trop vite. Comme un réflexe conditionné. Je ne suis pas assez solide, je dramatise, je ne fais pas ce qu’il faut… « Pas moi ! », me répète-je, comme pour conjurer le malaise. Pourtant, ce réflexe de se sentir coupable est presque universel. Il vient nourrir une spirale difficile à enrayer : je culpabilise → je m’inquiète → mon anxiété augmente → je m’épuise davantage. Et plus je suis épuisé, plus je culpabilise de ne pas être capable de « tenir » comme les autres. Cercle vicieux, boucle sans fin.
Or, ce n’est pas un manque de volonté. C’est un signal. Un message du corps et de l’esprit, qui dit « stop ». Et ce message ne signifie pas qu’on est fragile ou incapable. Il dit simplement qu’on est humain. Que les exigences du monde du travail – intensité, rapidité, hyper-responsabilité, charge mentale diffuse – peuvent finir par désactiver toute capacité à ressentir du plaisir ou du sens.
2° Revenir à soi, petit à petit, pour retrouver des points d’ancrage
Le corps est là, mais l’élan manque. Et dans ces moments-là, on rêve souvent d’un bouton magique qui rallumerait tout d’un coup l’envie.. Qui nous permettrait de retrouver la motivation « comme avant », de raviver l’enthousiasme d’un coup, forcer le moteur à repartir. Mais l’énergie, le plaisir, la curiosité… ne se convoquent pas sur commande..
Et cette base commence souvent loin du bureau : sommeil, calme, nourriture, mouvement. Rien de spectaculaire. Juste des besoins humains, simples, concrets, sur lesquels on a parfois cessé de veiller. Revenir au plaisir, c’est ressentir à nouveau. Se reconnecter à ce qui nous fait du bien dans le corps, dans le quotidien, dans le silence.
Avant de chercher ce qui ne fonctionne plus dans le travail, on peut se demander s’il reste des endroits où l’on respire encore bien. Est-ce qu’il reste, quelque part, une activité, un lieu, une personne qui me ressource ? Ou bien ai-je perdu le goût de tout ? Cette distinction est précieuse : elle permet de voir si le plaisir a déserté une sphère ou toute la carte. Et elle donne des indices pour commencer à rebâtir.
Je pense souvent à Claire, une cadre dans la tech, qui m’avait confié avoir repris l’habitude de marcher seule, 15 minutes par jour, à l’heure du déjeuner. Rien d’imposant. Juste un moment pour elle, sans injonction. Elle appelait ça « sa bulle ». Pendant plusieurs semaines, c’était son seul moment stable. « Puis, doucement, c’est revenu. ». Elle s’est remise à poser des questions en réunion, à proposer une idée. Mais pas avant d’avoir retrouvé un appui solide hors du travail. Retrouver le plaisir professionnel, ce n’est pas toujours commencer par le travail. C’est parfois d’abord retrouver un contact simple avec soi-même.
3° Plaisir ou motivation : ce n’est pas la même chose
Perdre le plaisir n’est pas perdre la motivation. Et inversement. Ce glissement de sens entretient parfois la confusion, et la culpabilité qui l’accompagne.
La motivation, c’est ce qui nous pousse à agir. Parfois, on continue à faire son travail parce qu’on en a besoin, parce qu’on ne veut pas laisser tomber ses collègues, parce qu’on a un sens du devoir. C’est une motivation extrinsèque, elle vient de l’extérieur. Elle peut nous faire avancer un temps, mais rarement nous faire vibrer.
Le plaisir, lui, est plus proche de ce qu’on appelle en psychologie la motivation intrinsèque : c’est ce qu’on ressent quand on fait quelque chose par envie, par intérêt, parce qu’on aime ça. On n’attend pas forcément de récompense : on est nourri de l’intérieur.
Cédric, un professionnel du médico-social m’a confié un jour : « Je n’ai plus d’élan, mais je viens quand même. Par loyauté. Ce qui me manque, ce sont ces moments où je me disais : « Là, je suis à ma place ».
Il n’avait pas perdu toute motivation, mais la motivation intrinsèque, celle qui donne envie, qui réchauffe, s’était éteinte. Et c’est souvent là que le découragement s’installe.
Rechercher des micro-moments de plaisir, c’est une manière de raviver cette motivation intrinsèque. Pas besoin d’un grand bouleversement : un geste apprécié, un moment de calme, un sourire sincère peuvent suffire à relancer quelque chose.
On ne rebondit pas toujours seul, et c’est parfaitement normal !
Cette perte de plaisir, elle peut être passagère. Mais parfois, elle s’installe. Elle occupe tout l’espace. Et si cette absence d’élan devient votre quotidien, la majeure partie du temps, la majeure partie de la journée, c’est un signal qu’il ne faut pas ignorer.
On croit souvent qu’on doit « remonter la pente » seul, mais c’est une idée fausse, et injuste. Être accompagné, par un professionnel de santé, un pair formé, un proche bienveillant, c’est souvent ce qui permet de rebondir plus tôt, plus doucement, sans s’enfermer dans un schéma d’isolement ou d’auto-culpabilisation.
Il n’y a aucune honte à demander de l’aide. La vraie force, parfois, c’est de tendre la main avant d’être à terre. Retrouver le plaisir de travailler, ce n’est pas revenir à « comme avant ». C’est ouvrir un espace pour autre chose, à son rythme. Et surtout, s’autoriser à en être là.
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