Des congés d’un nouveau genre fleurissent dans certaines entreprises. L’objectif : permettre au collaborateur de prendre du recul et de se ressourcer pendant quelques mois, tout en étant partiellement rémunéré.
Qui n’a jamais rêvé de faire une pause dans sa carrière ? Un break pour se ressourcer et revenir plus motivé, c’est tout l’objet des congés respiration. Chez Accenture, le congé de priorité personnelle permet aux salariés de plus de 5 ans d’ancienneté de partir jusqu’à trois mois rémunérés à 50 % de leur salaire. Chez Orange, le congé respiration, une pause de trois à douze mois, payée à 70 % du salaire, est réservé aux salariés de plus de dix ans d’ancienneté, sous réserve de s’investir dans une activité d’intérêt général. Le “Mazars Break”, lui, est né en mars 2023. “Les métiers du conseil sont durs, prenants, avec de gros volumes horaires, explique Frédérique Menou, directrice de l’expérience collaborateur au sein du cabinet de conseil. On enchaîne : junior, senior, manager, jusqu’à l’échelon associé sans se poser de questions. En écoutant nos collaborateurs, nous avons réalisé que beaucoup ressentaient le besoin de souffler.”
Fidéliser en permettant de respirer
Au cœur de ces congés respiration : la fidélisation des salariés. “Nous étions confrontés à plus de turn-over. Un break pouvait aider à garder nos collaborateurs”, renchérit Frédérique Menou. L’entreprise propose alors à ses salariés d’au moins 5 ans d’ancienneté une pause de 3 mois, rémunérée à 50 %, pour réaliser un projet personnel : prendre du temps pour soi, voyager, lancer une nouvelle activité… “Nous avons également retiré les clauses d’exclusivité des contrats de travail et adopté une charte de multiactivités, qui favorise le slashing”, ajoute-t-elle. Mais l’enjeu n’est pas uniquement celui de la rétention des talents. “C’est aussi une façon de récompenser nos collaborateurs, qui donnent beaucoup de leur temps et de leur énergie à l’entreprise”, continue Frédérique Menou. Pour Nicolas Arnal-Bertrand, associate partner chez EY, les congés respiration sont une façon “de ménager les collaborateurs, de leur permettre de se régénérer, de retrouver une dynamique, et, à leur retour, de se redonner, avec l’entreprise, des ambitions communes.”
Retrouver une nouvelle énergie
“En trois mois, on peut réellement déconnecter et se consacrer à d’autres projets, ce que ne permettent pas des congés de quinze jours. Je ne pensais plus à mon travail”, avance Marie Demalaine. Directrice de missions RH chez Accenture, elle part trois mois en congé de priorité personnelle à l’été 2022, un projet artistique en tête : créer une collection de peintures. “J’avais besoin de temps, de recul, de rechercher de l’inspiration, d’être dans un état d’esprit créatif, d’expérimentation”, raconte-t-elle. En trois mois, elle réalise deux voyages d’inspiration, au Pérou et au Liban, une summer school aux Beaux-Arts de Paris et seize toiles. Aujourd’hui, elle cumule son job chez Accenture et son activité d’artiste peintre : “Sans ce congé, j’aurais eu plus de mal à me lancer dans cette autre aventure qui est nécessaire à mon équilibre et à ma performance chez Accenture. Le week-end, je déconnecte, je fais de l’art et je reviens le lundi avec plein d’énergie, en me sentant alignée.” Autre bénéfice des congés respirations : on en revient avec de nouvelles idées et aspirations. “On sent un regain d’énergie et de motivation, l’envie de reprendre des sujets différents, se réjouit Frédérique Menou. C’est bénéfique aussi pour les équipes qui sont restées : cette bouffée d’air frais est motivante pour tous.”
Accompagner le changement
Quid de la charge de travail du salarié parti respirer ? “Chez Mazars, les collaborateurs ne sont pas remplacés, mais nous sommes une entreprise très agile, on fait tourner les équipes”, détaille Frédérique Menou. “Ces congés sont l’opportunité pour l’entreprise d’interroger la pertinence de la répartition des rôles et de l’utilisation des compétences de chacun, décrypte Nicolas Arnal-Bertrand. C’est souvent après une pause que l’on trouve des solutions pour optimiser l’organisation du capital humain, ce qui est bénéfique pour l’entreprise et pour le collaborateur.”
Ces absences sont à bien préparer. Côté collaborateur, avec une passation des dossiers avant le départ et un retour à anticiper. “Trois mois, c’est court et c’est long à la fois. La semaine avant la reprise, j’appréhendais un peu mon retour. J’ai été très bien accueillie, en douceur et avec une grande bienveillance et une curiosité pour ce que j’avais construit”, raconte Marie Demalaine.
Chez Mazars, 20 candidatures ont été acceptées pour cette première année test. “Il faut s’acculturer à ce dispositif nouveau dans notre industrie, estime Frédérique Menou. D’une part, certains collaborateurs qui craignent qu’une pause de 3 mois ne freine leur carrière. De l’autre, certaines cibles de managers qui n’ont pas été habitués à ce type de programme sur la vie personnelle et professionnelle.” Chez Accenture, 250 salariés ont déjà bénéficié du congé de priorité personnelle. “Une dizaine de collègues sont partis dans mon cercle rapproché, relate Marie Demalaine. Beaucoup ont voyagé, une autre a participé à la création d’une ferme en permaculture au Maroc. Tous sont restés dans l’entreprise.”
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