Travailler dans l’urgence, être sollicité(e) en permanence, avoir des difficultés à bien s’organiser, jongler entre plusieurs tâches en parallèle… Tout cela vous parle ? Dans son nouvel ouvrage Magical Timing au travail (1), la consultante Diane Ballonad Rolland vous invite à repenser votre relation au travail et au temps. Interview pour gagner en sérénité au quotidien et adopter le slow working.

En quoi les outils digitaux ont modifié notre rapport au temps dans notre travail ?
Ils nous font vivre dans l’ère de l’immédiateté. Nous sommes, même inconsciemment, soumis à une injonction d’urgence. Il faut vraiment faire un effort conscient et délibéré pour résister et ne plus être que dans la réactivité. Sinon, on passe sa journée à répondre à des mails, à regarder des notifications, etc. Au détriment de tout le reste, et notamment de notre travail ! L’impact est réel sur notre productivité et sur notre mémoire. Face à la multiplication des canaux et à l’omniprésence des smartphones, chacun doit donc s’interroger sur la manière de se réapproprier son temps.

Vous expliquez dans votre livre que la première des choses est de prendre du temps pour gérer son temps…
Oui, tout à fait, c’est indispensable, et ce n’est pas du tout une perte de temps, au contraire ! Cela permet de se fixer des priorités, d’anticiper, de faire de la place pour ce qui est vraiment important. C’est aussi très rassurant. Je vous recommande de planifier vos priorités hebdomadaires et de les hiérarchiser pour gagner en visibilité. Elles seront votre cap pour la semaine. Ensuite, vous pouvez fixer trois priorités par jour pour décider ce sur quoi vous allez porter votre attention aujourd’hui. Attention tout de même à ne pas tomber dans un excès de planification avec des tableaux excel en couleurs par exemple. Ces outils qui semblent pratiques sont très chronophages et, au final, je parie que vous les consulterez peu !

Certaines personnes ont l’impression que cette course permanente contre le temps est une fatalité et qu’elles ne peuvent rien y faire. Que leur conseillez-vous ?
Il arrive en effet que les contraintes soient très fortes à cause du poids de la hiérarchie, de la lourdeur des procédures, de la charge de travail… Il ne faut pas nier cette réalité, tout cela est source de pression. Essayez d’abord d’objectiver la situation : qu’est-ce qui dépend de vous et qu’est-ce qui dépend de votre manager ou de vos clients ? Ensuite, posez des limites et alertez de la situation pour préserver votre propre santé. Une fois que vous avez identifié ce qui vous incombe, regardez ce que vous pouvez mettre en place à votre niveau pour gagner en efficacité et en sérénité. Interrogez-vous aussi sur  les critères qui déterminent pour vous la performance au travail : est-il plus important de répondre systématiquement à toutes les demandes entrantes rapidement ou de boucler votre dossier en cours ?

En matière de gestion du temps, le présentéisme est encore un fléau en France, non ?
Oui, c’est encore un vrai frein. Trop de personnes pensent encore qu’il faut faire des heures pour bien travailler. C’est culturel, donc difficile à faire évoluer. Or, je suis persuadée qu’il est tout à fait possible de travailler moins, mais mieux. Notre attention se dilue avec les interruptions et les sollicitations. Tout cela nourrit le présentéisme. Mieux vaudrait éteindre les notifications de son smartphone pendant un travail de fond plutôt que de rester tard le soir pour le boucler. Le monotâche est beaucoup plus efficace que le multitâche, mais ce dernier est encore trop souvent valorisé. Les réunions à répétition sont également une vraie perte de temps.

En la matière, les managers ont un vrai rôle à jouer. Pouvez-vous définir la notion de “slow management” ?
Cette notion, qui est encore aujourd’hui assez confidentielle, montre la nécessité de réhabiliter des temps de réflexion dans nos journées de travail. Ils tendent à disparaître, même pour les fonctions d’encadrement, ce qui est problématique. Or, ces temps sont nécessaire pour éviter les erreurs, planifier, faire le point sur un dossier, prendre de la hauteur… Sinon, on reste le nez dans le guidon. Au sein d’une équipe ou d’un service, le manager peut faire travailler ses collaborateurs sur la notion d’urgence afin de déconstruire des idées reçues et de se mettre d’accord sur des critères communs.

Quels conseils donneriez-vous enfin pour les indépendants (freelances, entrepreneurs, etc.) ?
Je leur conseille de partir de leur bureau, seul(e) pendant quelques jours, une à deux fois par an pour prendre du recul sur leur activité dans un autre cadre. Je le fais moi-même et cela permet d’y voir plus clair sur sa stratégie, loin du tourbillon du quotidien. De quoi avez-vous envie à moyen et long-terme ? Ce sont des moments que j’adore pour rester alignée et me reconnecter à ce qui compte vraiment pour moi. Par ailleurs, le burn-out n’est pas réservé aux salariés ! Les indépendants doivent, encore plus que les autres, se fixer des limites et s’accorder des temps de repos. La gestion de son énergie doit faire partie intégrante du pilotage de son entreprise. On ne peut pas être à 200% en permanence, se ménager est indispensable pour tenir le rythme sur la durée. Entreprendre, c’est une course de fond, pas un sprint !

Bonus : affichez des mantras dans votre bureau pour garder à l’esprit l’essentiel. En bref, pour concilier sérénité et organisation au travail. En panne d’idées ? Voici plusieurs mantras puisés dans Magical Timing au travail (1) : “Je prends du temps, chaque jour, pour gérer mon temps !” – “Je me concentre sur l’ultra-essentiel” – “Je limite les comportements multitâches” – “Je remets le travail à sa juste place” – “J’évacue mon stress en partant marcher  minutes” – “Je m’autorise à demander de l’aide aux autres”…

Et je fais mienne cette phrase :

Aucun travail, aussi formidable, enthousiasmant, valorisant soit-il, ne mérite qu’on y laisse sa santé physique, psychique ou émotionnelle. Aucun !

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(1) Rustica éditions. Plus d’infos : www.zen-et-organisee.com et www.dianeballonadrolland.com

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Crédit photo : Pexels.

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

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