Ex-patron de la fonderie Favi, en Picardie, Jean-François Zobrist a mis en place des méthodes de gestion très innovantes. C’est quand il a supprimé les contrôles et les pointeuses que son entreprise a décollé. Pour lui, c’est en libérant l’ouvrier qu’on lui permet de faire son travail au mieux. Interview.

photo jfz BordeauVous êtes reconnu à travers le monde comme le chantre de l’entreprise libérée, modèle que vous avez développé dans votre fonderie de Picardie, Favi. Comment cette idée vous est-elle venue ?
C’est Isaac Getz qui a trouvé le terme d’entreprise libérée, il y a cinq ans. Moi, depuis 1988, je fais des conférences, mais j’ai innové sans le faire exprès ! Innover, c’est trouver quelque chose que l’on n’a pas cherché. Quand j’avais 21 ans, mon patron m’a demandé un rapport. Il ne l’a pas lu mais m’a dit : « Raconte ». Quand il m’a ensuite confié la direction d’une fonderie, j’ai vu les patrons dans leurs bureaux et les managers focalisés sur le reporting. J’ai décidé d’arrêter ça. Je leur ai dit : « S’il n’y a pas de problème, il n’y a pas besoin de réunion. Quant au reporting, j’irai voir les résultats sur le terrain ». En descendant dans les ateliers, j’ai appris qu’il y avait une prime de chaleur : les ouvriers laissaient les fenêtres fermées en plein été pour en bénéficier. J’ai vu aussi qu’une maman en retard à cause de son enfant malade était pénalisée. Autre absurdité : les ouvriers savaient régler leur machine, mais attendaient que le régleur-contrôleur le fasse. Il faut faire confiance.

Quels conseils donneriez-vous à un chef d’entreprise qui veut suivre cette voie, y a-t-il des clés ?
Il n’y a pas de clés… De Gaulle disait : « Procéder pas à pas selon les circonstances ». J’ai toujours agi selon les circonstances. La météo donne des prévisions à 48h, et se trompe parfois, nous on fait des business plan sur dix ans, il y a un truc qui ne va pas ! La deuxième chose est de libérer la créativité. 70 % des gains de productivité viennent des ouvriers, mais s’ils se retrouvent jugés par leur hiérarchie, ils ne libèrent pas leur créativité. Supprimer les pointeuses, les contrôles, les échelons qui ralentissent l’entreprise. Un ouvrier ne va pas toucher à une machine si la maintenance n’a pas été faite, il n’est pas fou, mais il peut la faire lui-même ! Un conseil pour le patron ? Qu’il sorte de son bureau et arrête les réunions ! Après, il doit accompagner les managers et leur prouver que ça marche, car ce sont eux, la hiérarchie intermédiaire, qui bloquent le système.

Est-ce possible dans tous les secteurs d’activités, dans les grosses entreprises comme dans les TPE ?
Cela fonctionne partout, dans les assurances comme chez Michelin à condition d’aller jusqu’au bout de la confiance. Un jeune chef d’entreprise m’a appelé un jour en me disant qu’il n’y arrivait pas. Il n’avait pas supprimé le contrôle export. Je lui ai dit : « Quand ta femme va chez le coiffeur, tu appelles le coiffeur pour voir si elle y est ? ». Dans l’entreprise, c’est pareil ! Les gens ne doivent pas être payés pour un horaire, mais pour une mission. Chez Favi, les choses qui étaient auparavant faites en trois semaines ont été réalisées en trois jours ! Quand on dit : « Voilà la commande, tu te débrouilles », on va beaucoup plus vite : c’est dur pour un patron d’arrêter d’organiser les choses, mais il faut laisser les gens faire. Une entreprise libérée est une entreprise de bon sens : on ne sait pas comment on se marie, mais on sait pourquoi et avec qui. Cela doit être pareil en entreprise, et ça, ça amène le bonheur !

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Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

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