Qu’est-ce qu’ils font tes parents comme travail ? Une question que les enfants se posent souvent. Pourtant nous ne savons pas toujours s’il est bon de parler de travail aux enfants, ni surtout comment le faire. Anne Gatecel, psychologue clinicienne et directrice de l’Institut de Formation en Psychomotricité de l’hôpital de la Pitié Salpétrière nous donne quelques clés.

Première publication :  5 avril 2018

Parler de son travail à ses enfants, une bonne idée ?

Les enfants voient leurs parents partir, c’est bien de leur expliquer pourquoi ils ne restent pas avec eux toute la journée. C’est aussi intéressant de leur dire où l’on travaille : dehors, dans un bureau…Vers 4-5 ans, un enfant est capable de comprendre. Dès 6-7 ans, c’est aussi important d’expliquer que pour acheter à manger, des vêtements, partir en vacances, il faut de l’argent, et que l’on a de l’argent en travaillant, et non à la banque comme le croient certains enfants. Il faut leur donner la réalité financière du travail, sans les plomber mais en leur expliquant pourquoi on doit faire des choix.

Comment faire comprendre son activité quand elle n’est pas aussi concrète que boulanger, par exemple ?

Ce n’est pas grave si l’enfant ne connait pas le nom du métier mais il peut comprendre que l’on travaille sur un ordinateur. Moi, mon fils a vite raconté que j’essayais d’aider les gens qui avaient des « petits trucs dans leur tête ». C’est mignon et assez clair. On peut leur donner des images pour expliciter, et répondre à la question «  pourquoi tu ne restes pas avec moi ? ». Ils feront alors le lien… Eux vont apprendre à lire avec quelqu’un dont c’est le métier, parce que si nous pouvons les aider à faire les devoirs, ce n’est pas notre métier !

Comment leur transmettre le monde du travail sans le stress, les problèmes relationnels, la hiérarchie, alors que l’on a souvent tendance à raconter le négatif en rentrant du boulot ?

Il ne s’agit pas de décrire le travail comme un monde « pourri ». Mais le soir pendant le diner, quand chacun raconte sa journée, que l’enfant revient sur les disputes avec ses copains, on peut lui dire qu’au travail, aussi, on a parfois des soucis. Après ce n’est pas la peine de leur faire peur avec des choses plus graves. Leur dire « j’ai passé une mauvaise journée au travail, je suis moins patiente ce soir » peut les aider à se situer – à condition que ce ne soit pas tous les jours. Cela permet que les enfants ne se sentent pas responsables de la fatigue du parent. Au travail, les contraintes existent et l’enfant doit comprendre que même adulte on ne fait pas toujours ce que l’on veut.

De plus en plus de salariés peuvent faire visiter leur entreprise, est-ce une bonne initiative ?

Dans certains domaines oui, dans d’autres non. Je n’ai jamais fait entrer mes enfants à l’hôpital, ce n’est pas leur place. Mais on peut leur montrer le trajet que l’on fait en voiture pour qu’ils sachent pourquoi on part tôt. On peut aussi montrer des photos de ce que l’on fait si on construit des maisons ou un escalier, ou de notre bureau. C’est au cas par cas, mais l’enfant a besoin de savoir qu’on ne lui cache pas la réalité. On peut lui renvoyer la question, « pourquoi veux-tu savoir ? » car on ne sait pas ce qui se passe dans leur tête ou ce qu’ils se racontent à l’école.

Témoignages

Marjorie Llombart, fondatrice de Dessine-moi une carrière : “Ma fille de 3 ans dit que “j’ordine” (je travaille à l’ordinateur). Je trouve ça très mignon. Personnellement, je trouve qu’il est important, lorsqu’on parle du travail aux enfants, de ne pas mettre le seul accent sur la rémunération qu’il permet, mais d’expliquer que le travail permet aussi (selon les cas) d’utiliser ses talents, de contribuer au monde, d’être utile, de rencontrer des gens, de s’amuser, etc.”

Fabienne Broucaret, fondatrice de My Happy Job : “A l’image des fameux “3 kifs par jour” de Florence Servan Schreiber, j’ai pris l’habitude de demander à mon fils, tous les soirs ou presque, ce qu’il a préféré dans sa journée. Il y a quelques semaines, en sortant du centre de loisirs, il m’a posé, du haut de ses 4 ans, une question qui m’a amusée : “Et toi, maman, qu’est-ce que tu as préféré dans ton travail aujourd’hui ?” J’ai alors repensé aux échanges, aux rencontres, aux différentes tâches accomplies, à ce que j’avais appris… pour lui expliquer ce que j’avais le plus apprécié. Un très bon exercice que je vous recommande !

Pour ne rater aucune actualité en matière de qualité de vie au travail, inscrivez-vous à la newsletter de My Happy Job et découvrez notre annuaire du bien-être au travail.

Pour aller plus loin : Anne Gatecel Amour, enfant, boulot… Comment sortir la tête hors de l’eau ?  Editions Albin Michel.

A lire aussi :
– “La parentalité est synonyme de développement durable sur le plan humain”
 L’agence Marie-Antoinette défend la parentalité pour plus d’égalité

 

Article précédent“Les salariés sont malheureux lorsque le travail est désincarné”
Article suivantFierté au travail, ou la mission accomplie du super héros du quotidien
Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici