Entre élégance et fermeté, tact et précision, Agnès Muir-Poulle, praticienne en psychologie positive et membre de la Chaire “Mindfulness, Bien être au travail et Paix économique” de l’école de management de Grenoble, a inventé une nouvelle forme de communication non-violente : l’ « impertinence constructive » (1). Pour oser dire « non » en argumentant, et remettre de la fluidité dans nos relations en entreprise, pour le bien commun. Interview.

Vous avez théorisé une nouvelle forme de communication non violente, « l’impertinence constructive », qu’est-ce et comment vous en est venue l’idée ?

C’est une forme de communication bienveillante et juste dont l’idée m’est venue suite au constat de stress, d’absence de débat dans les organisations. Beaucoup de gens ont l’impression qu’ils ne peuvent pas contribuer à changer les choses autour d’eux, et ne tentent même plus de parler. Ils se disent : « ça ne changera rien ». L’impertinence constructive est un apprentissage qui demande de l’entraînement. Il vise à sortir de ces préjugés pour modifier sa communication avec sa hiérarchie. Le but : ne pas dire les choses de manière abrupte au risque de brusquer la personne en face, mais communiquer sur sa communication avant d’exposer son constat, ses solutions, et des propositions de moyens.

Comment et pourquoi l’utiliser en entreprise ?

En France, le poids des représentations des liens hiérarchiques est encore très marqué par la verticalité avec une opposition entre donneur d’ordres et exécutant. Cette représentation morale bloque la communication car elle empêche de croire qu’il est possible de faire autrement, elle bloque la créativité. Alors que chaque individu a une place dans une organisation et les entreprises ont besoin de ce potentiel. Il faut s’en saisir. Un exemple : en entreprise, plutôt que de dire « le service informatique n’est jamais disponible », on peut relever de façon factuelle et plus paisible qu’ « ils sont injoignables par téléphone en fin de matinée », et que « quand on passe les voir, on rencontre à chaque fois une personne différente, ce qui rend le suivi compliqué ». Et de savoir dire l’importance de cette situation : « avoir un matériel informatique performant est gage d’un travail de qualité ». Dit ainsi, le manager sera plus sensible à votre constat. Il faut apprendre à être précis et savoir exprimer la destination du message de manière positive. Dans le monde du travail, un « non » brutal est rarement possible, il faut exposer ses difficultés en les expliquant et en argumentant pourquoi l’on a décidé de  parler.

Concrètement, au quotidien, comment faire ? Par où commencer ?

Il faut préparer son intention, c’est à dire être conscient du problème que l’on veut soulever : technique, organisationnel, relationnel ? On peut prendre une feuille et noter ses constats, ce que l’on veut, les conséquences de cette situation, et des pistes de solutions. Tout en sachant que l’on entre en dialogue et que ces solutions ne seront pas forcément adoptées, on peut aussi proposer des moyens de les mettre en place. Et surtout : choisir le bon moment. On ne déballe pas les problèmes informatiques à Mathieu à la machine à café ou sur le parking en fin de journée. Mieux vaut demander un rendez-vous et arriver, pourquoi pas, avec ses notes pour être sûr d’être clair. Avant de commencer, il faut comprendre son organisation pour savoir à qui l’on va s’adresser sans essayer de contourner la hiérarchie. On a appris à se méfier de l’autorité, mais un manager peut être prêt à entendre les choses, si on lui parle de la bonne manière et dans une intention positive. Quand on est méfiant, le champ relationnel se rétrécit ; alors que la gentillesse nous ouvre énormément de possibilités.

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(1) “Petit traité d’impertinence constructive”, Presses universitaires de Grenoble.

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Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

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